Le marché de l’immobilier français, exception européenne ?

07/05/2023

La France est l’un des seuls pays européens affichant une baisse des prix de l’immobilier au premier trimestre 2023, selon une étude AVIV Group (SeLoger/Meilleurs Agents). Malgré la hausse des taux d’intérêt depuis plusieurs mois, le marché immobilier français faisait encore figure d’exception en Europe. Pour les analystes, l’exception est en passe de se plier à la règle. Analyse.

Marché de l’immobilier français : des prix en baisse début 2023

Après la flambée de l’immobilier durant la période post-Covid-19, le virage à 180° est amorcé pour le marché de l’immobilier français. Les prix baissent. Au premier trimestre 2023, une baisse de 0,5 % en moyenne a été enregistrée. Bien que cette diminution soit relativement mesurée, elle se généralise sur tout le territoire marquant ainsi un véritable tournant. Les dix plus grandes villes enregistrent la plus forte baisse de prix au cours du premier trimestre 2023 (-1 %). Les 50 plus grandes villes (-0,5 %) et les zones rurales (-0,1 %) sont également concernées. Il s’agit d’une première depuis longtemps. Pour rappel, à la même période, l’année précédente, l’évolution des prix du marché de l’immobilier français affichait +1,9 %.

Fait remarquable : la France est le seul pays européen traversé par cette tendance. L’auteur de l’étude, AVIV Group, réunissant désormais les experts de l’immobilier Se Loger et Meilleurs Agents, a également étudié et comparé l’évolution des prix de l’immobilier en Italie, en Allemagne, en Belgique, au Portugal. Tous les autres pays, sans exception, enregistrent actuellement une tendance à la hausse.

Le taux d’usure, une exception française

Les mesures restrictives prises par la Banque centrale européenne (BCE) pour juguler l’inflation ont contribué à la hausse des taux d’intérêt dans tous les pays européens. La France demeure, toutefois, l’un des pays les plus épargnés, avec une hausse moyenne de seulement +1,4 points de pourcentage, contre +2,4 pts en moyenne en Allemagne et en Italie. Dans ces pays, les taux sont désormais les plus élevés des pays étudiés, entre 3,6 % et 3,8 % en février 2023 selon la BCE.

L’exception française trouve son explication dans une autre exception : le taux d’usure. Le taux d’usure est un dispositif créé par la réglementation nationale et dont l’objectif était de protéger l’emprunteur des abus. “Néanmoins, depuis janvier 2023, la révision de ce taux se fait mensuellement et non plus trimestriellement. Ainsi, en 2023, nous nous attendons à ce que les taux d’intérêt en France rattrapent leur retard et suivent une croissance similaire à celles des autres pays européens”, explique la responsable des études économiques d’AVIV Group, Barbara Castillo Rico. La fin de l’exception à la règle est donc annoncée.

La poursuite de la hausse des taux d’intérêt

“Face à l’inflation et alors que les effets des politiques restrictives de la BCE ne se sont pas encore pleinement matérialisés, les taux vont rester élevés pendant un certain temps, à un niveau bien supérieur à ceux pratiqués ces dernières années.”, analyse Barbara Castillo Rico. En effet, au contexte inflationniste, vient s’ajouter le risque de crise financière qui plane sur les pays européens. Souhaitant « préserver la stabilité financière de la zone euro », la BCE ne va pas assouplir sa politique monétaire dans les prochains mois. En avril dernier, l’économiste en chef de la BCE, Philip Lane, avait déjà annoncé que ce n’était pas le moment d’arrêter de relever les taux.

Jeudi 4 mai, les membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont exaucé le souhait de M. Lane en annonçant un nouveau relèvement de 0,25 point de pourcentage. Le taux de référence est donc porté à 3,25 %. C’est la septième hausse des taux depuis juillet 2022. Toutefois, la BCE ne s’est pas prononcée sur la suite du cycle de hausse des taux. Dans son communiqué publié à l’issue de la réunion de politique monétaire, elle affirme simplement que les futures décisions « garantiront que les taux directeurs seront amenés à des niveaux suffisamment restrictifs pour permettre un retour rapide de l’inflation à l’objectif à moyen terme de 2 % ». Comprenez, les mesures actuelles ne semblent pas suffisamment efficaces. Un ralentissement significatif de l’inflation n’est pas envisagé sur le court terme. La hausse des taux devrait donc se poursuivre dans les prochains mois.

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