En Europe, outre-Atlantique, et même en Chine, la remontée des taux d’intérêt des crédits immobiliers a impacté fortement le marché du logement. L’ombre d’une crise mondiale plane depuis plusieurs mois déjà, mais ne prend pas la même forme d’un pays à l’autre. Analyse.
Une crise du logement généralisée
L’inflation et la hausse des taux d’intérêt ne connaissent pas de frontières et mettent à mal le marché de l’immobilier dans de nombreux pays. Si, en France, les spécialistes observent une chute des ventes, d’autres pays européens sont également touchés. Pour contrer cette tendance, une baisse des prix, estimée entre 6 % et 10 %, s’est opérée en Europe du Nord. « Cette baisse ne compense pas la hausse des taux d’intérêt. Donc beaucoup de gens ne peuvent plus acheter. Ils se reportent sur le marché de la location, ce qui crée de fortes tensions », souligne Christophe André, économiste à l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Entre un marché de l’immobilier qui ne trouve pas de point d’équilibre entre l’offre et la demande et des taux à la hausse, la crise prend de l’ampleur. Les ménages, qui souhaitaient devenir propriétaires et se voient refuser un crédit immobilier, se rabattent sur le marché locatif, lui aussi sous tension, faute de constructions. Selon Christophe André, avant la hausse des taux, 10% des ménages dans l’Union européenne dépensaient plus de 40% de leurs revenus pour se loger. Aujourd’hui, la situation atteint un point de non-retour. Tous les pays européens, à l’exception de la Finlande, ont observé une hausse croissante du nombre de sans-abris.
Des spécificités locales qui nuancent les effets
Si la plupart des pays sont touchés par la hausse des taux, les conséquences sur le marché de l’immobilier diffèrent. Au Royaume-Uni, la situation est plus difficile qu’en France. En effet, les choix en matière de construction et d’aménagement du territoire constituent aujourd’hui un obstacle. Les ceintures vertes élaborées autour des villes empêchent ces dernières de s’étendre et donc d’augmenter l’offre de logements. De plus, l’inflation plus brutale a conduit à une hausse importante des taux d’intérêt, 6 % contre 4 % dans la zone euro.
La France bénéficie, dans ce contexte, d’une position privilégiée du fait de sa législation protectrice du consommateur. Les taux fixes ont permis de contenir la répercussion de l’inflation sur les emprunteurs. Malgré tout, l’Hexagone accuse le coup. La production de crédits, comme outre-Manche, a chuté (-43% sur un an) et le marché de l’immobilier est fortement chahuté. « L’inflation générale, en ce qu’elle éprouve les finances des ménages, et l’inflation des taux ont fait apparaître la cherté des logements français par rapport aux logements allemands, par exemple », explique Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers (Imsi).
Ces dernières années, le marché de l’immobilier de certains pays du Nord, comme l’Allemagne, ont subi une hausse des prix bien plus importante que les pays du Sud, comme l’Espagne et l’Italie. « Les pays d’Europe du Sud avaient beaucoup souffert de la crise de 2008 et les prix de l’immobilier y étaient moins élevés », analyse Christophe André.
La politique de construction, une porte de secours ?
Pour faire face à la crise du logement, le logement neuf pourrait apparaître comme la seule solution. Or, le secteur de la construction n’est pas épargné par le contexte inflationniste. La hausse du coût des matières premières, la chute des ventes et l’évolution des réglementations et normes de construction viennent fragiliser les promoteurs européens. En France et en Allemagne, les défaillances des promoteurs immobiliers se succèdent. Paradoxalement, le besoin en logements ne cesse de croître.
Outre-Atlantique, les États-Unis entrevoient la construction de nouveaux logements comme une possible solution à la crise actuelle. « On a moins qu’en Europe ce problème d’offre de long terme. Hormis dans certaines villes déjà très denses, on peut construire », décrypte Christophe André. Si les États-Unis subissent également un ralentissement des ventes en raison des taux élevés (environ 7 %), les politiques d’urbanisation menées ne limitent pas l’extension des villes. Les prix sont d’ailleurs repartis à la hausse. En revanche, en France, l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) réduit les possibilités de sortie de crise.
La Chine, qui a été touchée par la crise bien avant, a choisi de prendre des mesures pour limiter l’endettement des promoteurs. Ce choix politique n’a cependant pas suffi à relancer le marché. Aux symptômes particuliers de crise qui apparaissent dans chaque pays, s’ajoutent des contraintes locales. Chaque pays va donc devoir faire preuve d’inventivité afin de trouver sa solution de relance du marché du logement.
Pour aller plus loin :
- Lisez les dernières dispositions pour l’objectif ZAN
- S’informer en matière d’Immobilier
- Retrouver l’article d’origine sur les Echos