Crise du logement : les meublés de tourisme en ligne de mire

05/05/2023

Alors que les médias parlent de « crise du logement », certains députés et parlementaires, de droite comme de gauche, pointent du doigt les plateformes de location saisonnière telles que Airbnb, Abritel et Booking. Ils demandent une action du gouvernement pour modifier la loi jugée trop favorable aux meublés de tourisme. Explications.

Location touristique : un marché très lucratif

Entre une demande supérieure à l’offre et la hausse des coûts de construction, la France s’enfonce progressivement dans une véritable crise du logement. Les promoteurs et professionnels du secteur tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs, mais le gouvernement tarde encore à réagir. L’annonce prévue initialement le 9 mai a été retardée. Pourtant, les idées pour sortir de cette situation ne manquent pas. Le député EELV de Paris, Julien Bayou, et trois parlementaires proposent de modifier la législation des locations meublées touristiques.

Ces dernières années, avec le développement des plateformes de location comme Airbnb et Abritel, l’offre de meublés de tourisme a explosé en France. «Dans le 3e arrondissement de Paris, par exemple, c’est caricatural : il y a 25 fois plus de propositions de logements touristiques que d’annonces de locations simples !», fustige le député EELV Julien Bayou. Outre la capitale, certains départements comme le Poitou-Charentes et le Pays Basque sont particulièrement touchés. Faute de logements, les habitants doivent désormais s’éloigner des villes pour pouvoir se loger. «De plus en plus de logements pérennes, destinés à vous ou moi, sont ainsi transformés en locations saisonnières. Ils sont retirés de la location traditionnelle, car c’est plus lucratif pour les propriétaires, et que la pratique n’est pas encadrée», ajoute Julien Bayou.

L’échec cuisant de La Rochelle

Face à l’inaction du gouvernement, certaines communes particulièrement touchées par le phénomène de la location touristique tente de résoudre le problème. La Rochelle a récemment cherché à réglementer les logements Airbnb sans succès. Le 7 mai, la Conseil d’Etat à refuser à l’agglomération l’annulation de la décision du tribunal administratif de suspendre les règles éditées par la collectivité. Pourtant, La Rochelle a enregistré une hausse de 175 % des meublés de tourisme entre 2019 et 2022.

Dans un appel transpartisan publié le 2 mai, quatre parlementaires, Julien Bayou (député de Paris EELV), Max Brisson (sénateur des Pyrénées-Atlantiques LR), Inaki Echaniz (député des Pyrénées-Atlantiques PS) et Christophe Plassard (député de Charente-Maritime Horizons) montent au créneau. Ils font sept propositions pour « encadrer beaucoup plus fortement l’offre de locations saisonnières de courte durée et des meublés touristiques, dont la multiplication est devenue démesurée par l’effet des plateformes numériques telles qu’Airbnb, Abritel ou Booking ». La décision phare, calquée sur le modèle de Londres, consiste à limiter le nombre maximum de nuitées possibles à 90, contre 120 actuellement à l’année.

Mettre fin à la niche fiscale des meublés de tourisme

Dans ces propositions, la fiscalité des meublés touristiques est également visée. «Il y a là une vraie anomalie, un pousse-au-crime. Vous êtes clairement incité à proposer votre studio ou votre trois-pièces en Airbnb plutôt qu’en location classique, au profit d’une population qui en a besoin», explique Julien Bayou lors de son interview au magazine Capital. «C’est la double peine : non seulement les revenus des meublés de tourisme sont plus lucratifs, mais en plus, leur fiscalité est plus avantageuse !».

La suppression de la niche fiscale des locations meublées touristiques de courte durée n’est pas la seule mesure envisagée. Parmi les autres propositions, une réforme de la fiscalité sur les résidences secondaires « afin de favoriser la mise de biens sur le marché de la location longue durée et de lutter contre la spéculation immobilière » est également envisagée. Les passoires énergétiques autorisées à la location touristique sont aussi pointées du doigt par le député de Paris.

JO 2024 : un contexte peu favorable

À un an des Jeux Olympiques, le moment n’est pas jugé opportun pour certains. Le gouvernement se garde bien de réagir sur ce sujet. Surtout qu’à Paris, les meublés touristiques sont en première ligne pour accueillir les spectateurs et touristes venus assister aux JO. Les tensions du marché sont telles dans la capitale que de nombreux particuliers saisissent l’opportunité de l’événement sportif pour mettre en location leur bien immobilier. Et les médias ne sont pas en reste pour donner des conseils pour louer son logement durant les épreuves sportives. Ils vont même jusqu’à estimer le tarif de la nuitée à 600 €.

Avec déjà 45 millions de nuitées en hébergement touristique au compteur durant l’été 2022, la demande va exploser pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Dans un tel contexte, il reste peu probable que des modifications majeures interviennent sur les règles et la fiscalité propres aux meublés de tourisme. Toutefois, la ville de Paris tente déjà timidement de faire un pas vers plus de restrictions. À l’occasion de la révision du Plan local d’urbanisme (PLU), la mairie centrale travaille avec les mairies d’arrondissement sur une mesure d’interdiction de nouveaux meublés touristiques dans les quartiers qui souffrent d’un déficit de logements tels que le Marais, le Quartier latin ou Montmartre. À voir si cette décision exceptionnelle s’inscrit dans la durée.

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