Baisse généralisée des prix de l’immobilier en France

02/03/2023

Pour la première fois depuis 2018, les indices Meilleurs Agents – « Les Echos » enregistrent une baisse généralisée des prix de l’immobilier dans toute la France. Un revirement qui n’a rien d’une surprise. Depuis le début de l’année, la hausse des taux d’intérêt et le resserrement des conditions d’octroi de crédits immobiliers sont venus écrémer les profils des investisseurs solvables.

Baisse des prix, mais pas krach

Photo de Léonard Cotte sur Unsplash

La baisse des prix de l’immobilier en France, annoncée depuis plusieurs mois, est devenue une réalité. D’après les indices Meilleurs Agents – « Les Echos », les prix de l’immobilier résidentiel ont chuté de 0,1 % en février et 0,2 % en mars 2023. Si cette baisse reste, pour le moment, assez timide, elle semble se généraliser sur tout le territoire. À Paris, et en moyenne, dans les 10 villes les plus peuplées, la baisse enregistrée le mois dernier est de 0,4 %. Idem, dans les zones rurales. Certaines métropoles connaissent même un repli plus franc. À titre d’exemple, Lyon enregistre une baisse de 2,4 % en seulement deux mois. À Lille, sur la même période, les prix ont reculé de 1,8 %.

« C’est la première fois que toute la grille est rouge depuis que nous réalisons cet indice des prix de l’immobilier », souligne Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents. Attention, cependant, il ne s’agit pas d’un véritable krach. La baisse observée actuellement est à relativiser. Elle s’inscrit à la suite de trois années exceptionnelles pour le secteur de l’immobilier. En effet, depuis 2019, l’évaluation du nombre de transactions sur douze mois, réalisée chaque trimestre par l’Insee pour les Notaires de France, est constamment supérieure au million de ventes. Cette euphorie immobilière s’est poursuivie jusqu’en 2022, date des premières remontées des taux d’intérêt. Ce sont donc les taux bas et la souplesse des conditions d’octroi de crédits qui permettaient de maintenir cette frénésie.

Un tournant pour le marché de l’immobilier

Depuis la remontée des taux d’intérêt, un chapitre s’est clôturé et le marché de l’immobilier tente de s’adapter aux nouvelles conditions. La baisse des prix observée au premier trimestre 2023 marque un changement de dynamique. « Le taux moyen s’établit autour de 3 % pour les maturités les plus fréquemment sollicitées, à savoir 20 et 25 ans », explique l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil). Or, il y a un an, les meilleurs profils parvenaient encore à obtenir un taux à 1 %. Un tournant est donc amorcé depuis plusieurs mois. Les conditions d’accession à la propriété ont changé et le marché de l’immobilier en fait les frais. La toute relative baisse des prix en 2023 représente donc un ajustement entre l’offre et la demande. « Si au printemps, notre baromètre reste dans le rouge, l’année 2023 s’annoncera très maussade », annonce Thomas Lefebvre.

Autre changement important : le délai de commercialisation se réduit. Autrement dit, les biens se vendent plus rapidement. À Paris, il faut désormais 60 jours en moyenne pour trouver un acquéreur. Plus au sud, à Marseille, un bien immobilier trouve preneur en 55 jours, contre 64 en décembre. À Rennes, le délai est passé de 61 à 44 jours en quelques mois. Les remontées successives des taux directeurs influent fortement sur la politique d’octroi de crédits des banques. Aussi, les acquéreurs solvables ne perdent pas de temps et passent à l’acte tant qu’il est encore temps.

Pouvoir d’achat et taux d’usure

Car, cette baisse des prix de l’immobilier dans l’Hexagone s’inscrit dans le contexte économique actuel plutôt morose pour l’immobilier. La hausse des taux d’intérêt vient plomber les projets d’achat de nombreux primo-accédants, premiers touchés par ce revirement. Avec un pouvoir d’achat immobilier en berne et une épargne souvent contenue, ils sont les premiers à devoir revoir ou abandonner leurs projets d’acquisition. « L’an dernier, en remboursant une mensualité de 1 000 euros pour un crédit à 1 % sur vingt ans, un ménage pouvait emprunter 217 000 euros. Avec un taux désormais de 3 %, cette même mensualité ne permet plus que de rembourser un prêt de 180.000 euros, soit une perte de 18 % de capacité d’emprunt », explique Thomas Lefebvre. Autrement dit, depuis la hausse des taux, le nombre de ménages pouvant acheter au prix du marché est en baisse. Pour absorber la totalité de l’effet de hausse des taux d’intérêt et maintenir la dynamique transactionnelle de ces dernières années, les prix de l’immobilier aurait dû baisser de 20 % sur un an.

Jusqu’à présent, le taux d’usure avait permis de protéger le marché de l’immobilier. Cependant, la Banque de France a décidé, depuis le 1er février, de réévaluer le taux d’usure tous les mois. Cette mesure va permettre à certains emprunteurs d’obtenir un crédit immobilier, mais elle risque de rendre le crédit plus cher. Conséquence : le taux d’endettement de nombreux ménages va devenir trop fort. Pour s’ajuster à la demande, les vendeurs vont alors devoir revoir leur prix, entraînant une nouvelle baisse générale des prix. Il s’agit là d’un scénario possible. La baisse actuelle est, cependant, trop faible pour le moment pour parler de tendance pour 2023.

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