Aider son enfant à se loger n’est pas toujours considéré comme un cadeau aux yeux de la loi. Ainsi, lorsqu’un parent héberge son enfant dans l’un de ses biens immobiliers à un prix avantageux pendant plusieurs années, les autres héritiers peuvent demander réparation lors de la succession. Toutefois, pour que cet avantage soit réintégré dans l’héritage, une condition doit être remplie : prouver que le défunt avait l’intention de faire un cadeau à son enfant en le logeant. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans une décision rendue le 12 juin dernier.
Cadeaux et succession : la règle
« Cadeau », « coup de pouce »‘ ou « appropriation », ces notions sont souvent débattues au moment de départager un héritage. Si les limites semblent parfois floues, la loi est pourtant claire : seuls les cadeaux peuvent être rapportés à la succession et partagés entre les héritiers, à leur demande, si ces dits-cadeaux ont appauvri celui qui les a donné.
Si, par exemple, un père de trois enfants fait cadeau d’un appartement à son plus jeune fils, les autres sont en droit de demander la réintégration de ce bien donné en cadeau, dans la succession, car le coût de l’achat du bien a impacté l’héritage.
En octobre 2013, la Cour de cassation a également précisé qu’un appauvrissement ne constitue pas, à lui seul, une preuve de l’intention d’offrir un cadeau. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’une personne s’appauvrit en aidant quelqu’un que cela signifie qu’elle avait l’intention de faire un don. Cela peut simplement être une aide ponctuelle en période difficile ou un accord tacite entre les deux parties.
Loger son enfant à prix bas, un cadeau ?
Le cas concret étudié par la Cour de cassation met en avant l’épineuse question du logement. Loger son enfant durant une période constitue-t-il un cadeau ? En effet, si le loyer appliqué à la progéniture est inférieur au prix du marché, le propriétaire essuie une perte sur la location de son bien immobilier. C’est le reproche que font les quatre frères et sœurs dans cette affaire.
À la mort de leur père, ils reprochent à leur frère d’avoir reçu un cadeau dont le montant est estimé à 183 000 € environ. Cette somme correspond au manque à gagner pour leur père en appliquant un loyer à prix bas à son fils durant 12 ans. Les héritiers réclamaient donc la réintégration de cette somme dans l’héritage au titre de cadeau qui a appauvri celui qui a donné, à savoir le père.
Cadeau : c’est l’intention qui compte
La justice a, dans ce cas, reconnu « qu’en mettant à la disposition de M. [W] [S] (ndlr. le fils) l’appartement dont il avait l’usufruit en échange d’un loyer inférieur au prix du marché, [H] [S] (ndlr. le père), puis l’indivision successorale après lui, s’est appauvri et a agi avec une intention libérale, ce qui constitue une donation indirecte, rapportable par son bénéficiaire à la succession.»
La Cour de cassation ajoute que « l’existence de l’intention libérale des disposants de leur seul appauvrissement » n’est pas prouvée. Autrement dit, la Cour ajoute une condition supplémentaire pour pouvoir réintégrer un cadeau à la succession : l’intention. Il faut que l’intention de faire un cadeau soit démontrée pour qu’il soit réintégré à la succession.
Dans le cas étudié par la Cour de cassation, l’application d’un loyer bas peut être une aide financière indispensable et non un simple cadeau. Si ce dernier point ne peut être prouvé, alors les héritiers ne peuvent pas réclamer la réintégration de la somme à la succession.
Pour aller plus loin :
- Pour retrouver le jugement de la cour de cassation
- S’informer en matière de Succession
- Retrouver l’article d’origine sur le site de MoneyVox