Souvent mentionnée avec la formulation typique par défaut, la désignation des bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie a son importance. Les conséquences d’une désignation par défaut, plutôt qu’une désignation nominative, sont souvent sous-estimées. Une désignation ambiguë d’une clause bénéficiaire peut entrer en conflit avec le testament lors de la succession. Explications par un cas concret.
Clause bénéficiaire : désignation nominative vs. désignation par défaut
On ne le dit jamais assez. La rédaction de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie est importante. La façon dont vous désignez vos bénéficiaires a un impact majeur sur la répartition du capital au moment du décès du souscripteur. Il existe deux façons de désigner ses bénéficiaires lorsqu’il s’agit de vos héritiers :
- la désignation par défaut : il s’agit d’une phrase standard qui peut s’appliquer à tout contrat d’assurance-vie. Elle attribue le capital du contrat « au conjoint ou au partenaire de PACS de l’assuré, à défaut les enfants de l’assuré, nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, à défaut les héritiers de l’assuré » ou plus généralement la forme suivante « mes enfants, nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, à défaut mes héritiers ».
- la désignation nominative : lorsqu’il s’agit de nommer les bénéficiaires par leurs noms et prénoms (voire date de naissance et lien de parenté) afin qu’il n’y ait aucune confusion possible au moment d’attribuer le capital. Cette forme de désignation permet de choisir précisément les bénéficiaires.
La désignation par défaut présente l’avantage de tenir compte d’éventuels héritiers supplémentaires à venir (enfants d’enfant, etc.). Toutefois, le flou de cette désignation peut entrer en conflit avec le testament, s’il existe.
Quand le testament et l’assurance-vie entrent en conflit
La cour d’appel de Versailles, le 5 septembre dernier, a été amenée à trancher la question suivante : la clause bénéficiaire de l’assurance-vie prime-t-elle sur le testament lorsque la désignation des bénéficiaires est ambiguë ?
Une dame ayant souscrit une assurance-vie désigne nominativement ses bénéficiaires. Dix ans plus tard, elle modifie la clause bénéficiaire de son contrat désignant comme bénéficiaires : « mes héritiers par parts égales ». Au moment de son décès, le testament notarié stipule que son héritage revient à un neveu et une nièce désignés comme légataires universels. De ce fait, la compagnie d’assurance leur verse le capital acquis de 102 800 €, car un légataire universel recueille la totalité de la succession (article 1003 du Code civil).
Or, les autres neveux et nièces viennent contester cette décision étant donnée que la clause bénéficiaire les désignait tous comme héritiers. Ils invoquent « la primauté du contrat d’assurance-vie sur la qualité de légataire universel instituée par testament ». L’affaire est alors portée devant la cour d’appel de Versailles. Cette dernière admet les points suivants :
- L’article L.132-8 du Code des assurances requiert simplement qu’il existe un bénéficiaire déterminé ou déterminable. Par conséquent, la désignation « mes héritiers » est valable.
- Sont légalement considérés comme héritiers légaux, les neveux et nièces de la défunte qui ne laisse aucun héritier réservataire.
- « Le testament, même s’il institue un légataire universel, ne fait pas pour autant perdre la qualité d’héritier aux héritiers légaux » , selon une décision antérieure de la Cour de cassation (Cass. civ. 2ème 12 mai 2010, n°09-11.256).
La primauté de la volonté du souscripteur
Selon ces arguments, la réclamation des neveux et nièces semble justifiée. Toutefois, la cour d’appel estime qu’il est nécessaire de tenir compte de la volonté de la défunte pour statuer. Pour ce faire, elle invoque un précédent (Cass. civ. 2ème, 14 décembre 2017, n°16-27.206) : « pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d’héritier, lors de l’exigibilité du capital, il convient de ne s’attacher exclusivement ni à l’acception du terme héritier dans le langage courant, ni à la définition de ce terme en droit des successions, mais de rechercher et d’analyser la volonté du souscripteur ».
Au cours de l’examen du dossier, la cour découvre que la défunte était en conflit avec l’un de ses neveux. Par conséquent, il semble logique qu’elle ne souhaitait pas le gratifier. La cour d’appel rejette donc le recours, car « la volonté [de la défunte] était de gratifier ses seuls héritiers entendus comme les légataires universels désignés ». Cette décision est conforme à une jurisprudence constante au regard des cas tranchés précédemment (Cass. 1ère civ., 10 févr. 2016, n°14-27057 ; Cass. 2ème civ., 14 mars 2018, n° 17-14384 ; Cass. 1ère civ., 19 sept. 2018, n° 17-23568).
Pour aller plus loin :
- Lire la décision de la cour d’appel de Versailles
- S’informer en matière de Succession
- Retrouver l’article d’origine sur gestiondefortune.com