La France sommée de redresser ses finances publiques

18/07/2024

Le chef économiste du Fonds Monétaire International (FMI) presse la France de revoir sa « trajectoire budgétaire » pour conserver des « marges de manœuvre » pour lutter contre le désendettement. L’incertitude politique depuis les élections législatives s’accompagne d’une incertitude économique grandissante.

La FMI tire la sonnette d’alarme

« Il va être difficile d’atteindre les objectifs d’un retour du déficit à 3 % du PIB pour 2027 », a déclaré à l’AFP, le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, à l’occasion de l’actualisation du rapport annuel sur l’économie mondiale (WEO). « La situation actuelle augmente l’incertitude économique, qui peut dériver du processus politique, mais également d’une incertitude importante quant à la trajectoire budgétaire qui sera mise en place », a-t-il ajouté. Le message lancé par le Fonds Monétaire International est clair : la France doit s’empresser de redresser ses finances.

L’incertitude politique qui règne en France depuis les élections législatives n’est pas sans conséquence sur l’économie française. Alors que le président de la République profite des Jeux Olympiques pour jouer la montre, le Nouveau Front Populaire (NFP) peine à désigner un candidat au poste de Premier ministre. « Il est nécessaire de réduire cette incertitude et d’avoir un accord qui soit le plus large possible pour prendre en compte cette situation budgétaire. Il faut que l’on soit capable de disposer de marges pour faire face aux chocs futurs, car elles sont aujourd’hui très faibles », a-t-il précisé.

Budget : un « ajustement » de la trajectoire

L’avertissement prononcé par le FMI n’est pas le premier reçu par l’administration française. En juin, la Commission européenne a placé la France en procédure de déficit excessif. La Cour des Comptes, quant à elle, est sortie du silence pour publier son « Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques ». Véritable réquisitoire contre l’inaction gouvernementale, le rapport est aussi un avertissement pour le prochain gouvernement. Selon les magistrats financiers, l’année 2023 a été « très mauvaise », alors que l’année 2024 est considérée « à risques ». Pour couronner le tout, ils décrivent la trajectoire de rétablissement des finances publiques d’ici à 2027 comme « peu crédible et peu réaliste ».

Le rapport de la Cour des Comptes déplore le choix des dernières années de baisser les impôts et les cotisations sociales. Le manque de mesure d’économie structurelle depuis la pandémie de Covid-19 est aussi souligné avec gravité dans un contexte d’isolement grandissant de la France au sein de l’Union européenne. Les efforts réalisés pour redresser la barre reste moindres que ceux des voisins européens.

Pour rappel, la France est le troisième pays le plus endetté et le deuxième déficit de la zone euro. « En 2023, la dette publique française s’établit à 3 100 milliards d’euros, soit 110 % du PIB. C’est-à-dire 15,2 points au-dessus de son niveau d’avant-crise Covid, contre 3,7 points en Allemagne, 5,9 en Espagne ou 4,7 en Italie, explique Pierre Moscovici, président de la Cour des Comptes. Tous les autres pays ont engagé un désendettement. Nous ne l’avons pas fait. »

L’illusion du désendettement

Pour appuyer son propos, la Cour des Comptes a réalisé une simulation inédite de la trajectoire de redressement prévue par le gouvernement. Si la croissance est de 1 %, au lieu de 1,35 % qui semble une estimation « de moins en moins plausible », le déficit ne descendra pas sous les 3 % du PIB en 2027 avec une dette publique croissante.

Selon le rapport, la trajectoire gouvernementale « intègre des mesures de hausses d’impôts d’ampleur, à hauteur de 15 milliards d’euros en 2025 et de 6,2 milliards d’euros en 2026, soit 21,2 milliards à cet horizon ». « Pour le reste (17 milliards, ndlr), on n’a aucun élément », prévient Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes. L’idée d’un redressement budgétaire rapide et efficace est loin d’être concret.

« Les scénarios alternatifs testés par la Cour des comptes montrent que tout écart par rapport aux prévisions de croissance, de dépenses ou de recettes suffirait à faire dérailler la trajectoire et à manquer les cibles de déficit et de dette pour 2027 », ajoute Carine Camby au quotidien La Tribune. Les comptes publics français ont littéralement une épée de Damoclès. Mais l’incertitude autour de la situation française n’a pas modifié la prévision de croissance économique mondiale pour 2024, publiée par le FMI. Elle est maintenue à 3,2 %, tirée notamment par l’amélioration de la croissance de la Chine et de l’Inde.

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