Inégalités de revenus en France : le système de redistribution réduit fortement les écarts

20/09/2023

La redistribution élargie améliore, en France, le niveau de vie de 57 % de la population. C’est le constat d’une étude publiée en septembre par l’Insee. Elle révèle qu’avant transfert, 10 % des ménages les plus aisés détiennent un revenu 18 fois plus élevé que 10 % des ménages les plus pauvres. Après redistribution, cet écart se réduit de 1 à 3. Explications.

Redistribution : l’écart de revenus divisé par 6

Alors que l’inflation continue de grignoter le pouvoir d’achat des Français, l’Insee publie une étude montrant l’efficacité du système de redistribution dans la réduction des inégalités de revenus. La redistribution élargie, étudiée par trois économistes de l’Insee, inclut les transferts monétaires et non-monétaires réalisés par les services publics dans les revenus des ménages français.

L’analyse menée est complète et prend en compte les tranches d’âge, la composition des familles, la catégorie socioprofessionnelle, etc. En 2019, un quart du revenu national net de l’année, soit 500 milliards d’euros, a été redistribué entre contributeurs nets et bénéficiaires. Au total, 57 % des ménages français bénéficient donc de ce système de redistribution. Parmi les 15% les plus modestes, la quasi-totalité ont été bénéficiaires nets (95 %).

Outre la logique de solidarité, qui sous-tend ce système, l’étude montre l’efficacité de la redistribution dans la lutte contre les inégalités de revenus. En effet, avant transferts, 10% des ménages les plus aisés détiennent un revenu 18 fois supérieur à celui des 10% des ménages les plus pauvres. Après redistribution, cet écart est au moins divisé par 6. Il est de 1 à 3 seulement. « Cette redistribution élargie contribue à une réduction significative des inégalités de revenus », constatent les économistes.

Qui est contributeur ou bénéficiaire de la redistribution ?

Selon l’étude de l’Insee, la réduction des inégalités s’applique via deux principaux canaux : les prélèvements et les niveaux de transfert.

  • Les prélèvements : 72 530 euros seraient retirés par unité de consommation (UC) aux plus aisés (via les contributions et les impôts), contre 7 410 euros par UC aux ménages les plus pauvres.
  • Les niveaux de transfert : 23 450 euros par UC sont transférés pour les plus modestes contre 13 420 euros par UC pour les plus riches.

Les auteurs, Jean-Marc Germain, Mathias André, Michaël Sicsic, soulignent également l’importance de la multiplicité des tranches d’âge dans le système de redistribution. « La redistribution doit s’apprécier sur l’ensemble du cycle de vie. À certains moments, on peut être contributeur net. Mais, arrivé à l’âge de la retraite, on est la plupart du temps bénéficiaire net », explique Jean-Marc Germain.

Plus précisément, 90 % des familles composées d’une personne âgée (de 65 ou plus) reçoivent plus d’argent qu’ils ne versent à l’État. Concrètement, ils sont bénéficiaires des transferts relatifs aux pensions de retraite et des prestations de santé. Inversement, plus de la moitié des moins de 60 ans sont des contributeurs nets au système. « Les plus grands contributeurs nets sont les 40-60 ans, au moins titulaires d’un bac+3 n’ayant pas eu d’enfants ou peu », détaille Jean-Marc Germain. La proportion de contributeurs atteint même 70% pour les 50-59 ans du fait de leur situation (actifs, sans enfants à charge, peu de problèmes de santé).

Dissonance entre perception et réalité

Dans cette étude, les prestations prises en compte sont strictement comptables (coûts des services publics). L’étude n’analyse pas la qualité ou l’efficacité des services publics. Toutefois, les auteurs remarquent un écart entre la perception qu’ont les bénéficiaires de l’efficacité du système et la réalité mesurée. Ainsi, par exemple, « les familles de classe moyenne font partie des bénéficiaires nets du système. Mais ce n’est pas forcément leur ressenti. Pour qu’elles le perçoivent ainsi, il faut qu’elles aient confiance dans le système des retraites et qu’elles intègrent la valorisation des services publics », commente un des auteurs de l’étude.

En effet, le dernier baromètre, réalisé par Kantar pour l’Institut Paul Delouvrier, a montré que l’image qu’ont les Français des services publics s’est dégradée. Incontestablement, la réforme des retraites, le manque d’enseignants dans l’éducation et le ras-le-bol des soignants face au manque de moyens jouent un rôle clé dans l’évolution de l’opinion. En conclusion, il semblerait donc que la perte de confiance dans l’efficacité et la qualité des services ne soit pas complètement étrangère à ce ressenti.

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