La prochaine hausse des taux directeurs annoncée par la Banque centrale européenne (BCE) confirme la tendance des derniers mois. Pas de baisse des taux à l’horizon. Les marchés boursiers, qui faisaient jusqu’à présent, l’autruche face aux nombreux signaux lancés, semblent se rendre à l’évidence. Ils revoient désormais leurs prévisions quant au niveau maximum de hausse des taux directeurs et parient sur un taux de dépôt à 3,75 % d’ici l’automne.
L’inflation persistante à l’origine de la hausse des taux
Ce n’est pourtant pas faute de les avoir prévenus. Depuis plusieurs mois, les marchés boursiers faisaient la sourde oreille face aux messages alarmistes de la BCE. Sa présidente, Christine Lagarde, l’a pourtant martelé à plusieurs reprises : la hausse des taux d’intérêt directeurs est loin d’être terminée. C’est la révision des prévisions du taux terminal, taux auquel la BCE cessera sa politique de resserrement, qui a tiré la sonnette d’alarme. Fin du vent de confiance et d’optimiste qui dominait les marchés boursiers. Les traders ont donc revu leurs prévisions en conséquence. Le taux de dépôt de la BCE devrait donc culminer à 3,75 %, au lieu de 3,4 %, estimé début février. Cela signifie relever encore les taux directeurs de 125 points de base. Pour rappel, depuis l’été dernier, la hausse totale des taux directeurs est estimée à 300 points de base.
L’objectif de Francfort reste toujours le même : faire retomber l’inflation. Si, cette dernière semble, pour le moment, stagner au sein de l’Union européenne, la publication d’une hausse plus forte que prévu de l’indice des prix à la production aux Etats-Unis (0,7 % contre 0,4 % estimé) confirme la nécessité de maintenir le cap. Ainsi, lors de son audition devant le Parlement européen, Christine Lagarde a redit l’engagement de la banque centrale à relever les taux de 25 points de base le 16 mars prochain pour lutter contre l’inflation encore trop forte.
Pas de baisse des taux pour 2023
Mais, le message est clair. Il n’y aura donc pas de baisse des taux d’intérêt directeurs au cours de cette année. Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, a terminé d’enfoncer le clou. Dans un entretien à Bloomberg, elle a évoqué « un risque que l’inflation se révèle plus persistante que ce qui est évalué actuellement par les marchés financiers », tout en répétant le besoin de poursuivre les hausses des taux. Les traders ont donc décidé de ranger leur optimisme et de se cantonner à la réalité. « Au sprint succède une course de fond », synthétise le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Les taux sont, selon lui, entrés dans un niveau dit restrictif, c’est-à-dire qu’ils ralentissent l’économie. Au vu du contexte, la nouvelle hausse prévue par la BCE en mars ne devrait donc pas surprendre les marchés.
Toutefois, rien n’indique que cette décision ne sera pas discutée au sein du Conseil des gouverneurs. Un mouvement critiquant le resserrement monétaire jugé trop sévère pourrait plaider pour un ralentissement du rythme des hausses. Fabio Panetta, membre du directoire, a fait part de sa crainte qu’une telle politique ait pour conséquence de « faire basculer l’économie dans une récession à grande échelle ».
Marchés boursiers et obligataires : le grand écart
Prévisions revues à la hausse, certes, mais il en faut plus pour perturber durablement les marchés boursiers. Paris, Londres, Francfort et Milan ont ouvert à la hausse début mars, portés par les statistiques positives de l’économie chinoise. Le président de la Réserve fédérale d’Atlanta, Raphael Bostic, s’est dit, jeudi 2 mars, favorable à une hausse de 25 points de base et une pause de la hausse à l’été. Un discours plutôt optimiste contrebalancé par celui du gouverneur de la banque centrale américaine. Christopher Waller, a indiqué qu’il soutiendrait une hausse des taux pouvant aller jusqu’à 5,4 %, dans les prochains mois si l’inflation persiste et que le marché du travail reste tendu.
Conséquence de ce discours, les taux obligataires bondissent. Le taux de l’emprunt de l’Etat allemand à 10 ans, point de référence en Europe, a atteint 2,73 % le 3 mars, contre 2,5 % la semaine dernière. Dans le même mouvement, la dette américaine est passée de 3,88 % à 4,03 %. Les analystes pointent du doigt un écart grandissant entre les marchés boursiers et les marchés des obligations. Le risque réside dans une correction soudaine des marchés boursiers, si ces derniers continuent de s’accrocher à quelques prévisions optimistes en dépit des positions des institutions et des statistiques.
Pour aller plus loin
- Pour en savoir plus sur la politique monétaire de la BCE
- S’informer en matière de Marchés financiers
- Retrouver l’article d’origine sur Les Echos