Cryptomonnaies : la renaissance des « arnaques à la bouilloire »

28/02/2023

Malgré d’innombrables scandales, une utilité sociale toujours à démontrer et un bilan énergétique désastreux, l’univers des cryptomonnaies continue à « choyer » sa clientèle. Sur les réseaux sociaux, des posts font la promotion de nouvelles cryptomonnaies offrant un excellent rendement. L’objectif : attirer les investisseurs pour doper artificiellement le cours de la valeur avec des offres limitées dans le temps, avant de tout revendre. Le mécanisme « pump and dump », bien connu en finance pour y être combattu depuis des décennies, se développe désormais dans le monde de la cryptomonnaie. Analyse d’un phénomène qui n’a rien de virtuel.

Le « pump and dump » s’invite en cryptomonnaie

En 2022, sur 40 521 cryptomonnaies créées, 24 % présentent les caractéristiques du mécanisme « pump and dump », aussi appelé « arnaques à la bouilloire ». Ce chiffre-clé alarmant donné par Chainalysis, une plateforme spécialiste du sujet, met en lumière une technique déjà employée sur les marchés financiers traditionnels. Comme son nom l’indique en anglais, il s’agit d’attirer les investisseurs et « pomper » en vantant les mérites d’une cryptomonnaie moyennant des offres exclusives et de bons rendements. Les acheteurs se multiplient faisant ainsi monter le cours rapidement. Au bout d’une semaine, les créateurs revendent tout (« dump ») faisant s’effondrer le cours laissant les investisseurs avec une monnaie sans valeur.

Déjà pointé du doigt en 2018 avec la bulle des « ICO », Chainalysis publie un rapport, « Crypto Crime Report », montrant la dimension industrielle du phénomène en 2022. Les arnaqueurs ont profité du contexte économique morose et de l’abondance de capitaux pour développer leur stratégie. De plus, les cryptomonnaies constituent un terrain de jeu parfait puisqu’il n’y a pas de régulateur et que les transactions peuvent se faire directement entre particuliers. La finance décentralisée (DeFi) est donc une aubaine qui permet aux acteurs peu scrupuleux de créer anonymement une cryptomonnaie, de la promouvoir, de contrôler son flux puis de la revendre rapidement.

4,6 milliards de dollars envolés en 2022

L’étude de Chainalysis ne s’est intéressée qu’aux arnaques rapides se déroulant sur quelques jours. En réalité, le nombre d' »arnaques à la bouilloire » serait plus important. Mais le rapport dénombre déjà 4,6 milliards de dollars dépensés dans l’achat de 9 902 cryptomonnaies éphémères en 2022. Le spécialiste de l’analyse de la cryptomonnaie va plus loin encore. Sa méthodologie lui aurait permis de relier 445 individus ou groupes aux 9 902 arnaques identifiées. Parmi ces créateurs, l’un d’eux serait même à l’origine du lancement de 264 « arnaques à la bouilloire » !

Si toutes les cryptomonnaies lancées et revendues rapidement ne sont pas nécessairement des « arnaques à la bouilloire », il faut toutefois rester prudent. Car, pour ces malfaiteurs, la machine est déjà bien rodée au point d’intégrer, pour certaines cryptos, un code dit « honeypot » (pot de miel). Ce dernier empêche tout simplement les acheteurs de revendre leurs actifs. Ce code est un indicateur clair de la mécanique de « pump and dump » utilisée. L’auteur du rapport explique que l’usage du mécanisme « pump and dump » dessert l’univers des cryptomonnaies. Car, en plus de laisser des investisseurs avec une monnaie sans valeur, la pratique continue à donner une très mauvaise image de cette industrie.

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