Assurance-vie et succession : attention aux primes exagérées !

31/05/2024

Un contrat d’assurance-vie qui privilégie un enfant plutôt qu’un autre devient souvent source de conflit lors de la succession. La Cour de cassation a récemment tranché un conflit fraternel autour du capital d’une assurance-vie dont les primes versées semblaient exagérées. Analyse de cas.

Qu’est-ce qu’une prime manifestement exagérée ?

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation est sollicitée pour trancher un conflit relatif aux bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie dans le cadre d’une succession. Le schéma est récurrent : deux héritiers d’une succession, un contrat d’assurance-vie, un seul bénéficiaire désigné. Sans surprise, l’héritier lésé réclame l’intégration du contrat dans la succession en invoquant le versement de primes manifestement exagérées sur le contrat.

Pour rappel, le capital d’un contrat d’assurance-vie n’entre, selon le Code des assurances, pas dans la succession. Toutefois, si les sommes versées sur le contrat représentent une part jugée trop important du patrimoine du souscripteur, les héritiers lésés peuvent contester le contrat (article L.132-13 du Code des assurances).

Selon le Code des assurances, le caractère manifestement exagéré des primes peut être prouvé au regard de l’âge du souscripteur, sa situation patrimoniale et familiale ainsi que l’utilité du contrat au moment des versements.

Assurance-vie et conflit familial

Le cas présenté devant la Cour de cassation, en mai dernier, coche toutes les cases du scénario parfait. Un frère et une sœur sont en conflit autour d’un contrat d’assurance-vie souscrit par leur mère décédée et dont seule la sœur est bénéficiaire. Invoquant le caractère exagéré des primes versés sur le contrat, le fils réclame l’intégration de celui-ci dans la succession. Un cas classique auquel la Cour de cassation avait déjà apporté une réponse. Il suffit donc que la justice tienne compte de l’âge et de la situation de la mère au moment des versements pour statuer sur ce cas.

La Cour d’appel, en charge du dossier, donne raison au frère et constate que les primes versées étaient manifestement exagérées. La somme de 34 835 euros a été versée au moment de la souscription, puis celle de 22 865 euros en 2002 et enfin celle de 6 442 euros en 2010. Au moment de la souscription du contrat, la mère n’avait pas de revenus propres et le ménage n’était pas soumis à l’impôt. La Cour juge donc le contrat inutile en vertu de l’arrêt de la Cour de cassation de juin 2022. Elle ordonne que les 86 719 euros provenant du contrat d’assurance-vie soient rapportés à la succession.

L’importance de la situation patrimoniale et familiale

L’affaire est portée par la sœur devant la Cour de cassation. Contre toute attente, cette dernière casse le jugement de la Cour d’appel considérant qu’elle n’a pas établi sa décision sur des bases légales. En effet, la Cour de cassation démontre que la Cour d’appel n’a pas tenu compte de la situation patrimoniale de la souscriptrice. En 2000, au moment de la souscription du contrat, la mère détenait un patrimoine immobilier, une épargne sur divers comptes d’un montant de 80 832 euros et de revenus d’un montant de 132 385 francs en 1999 qui n’ont pas été pris en compte lors du jugement. Elle affirme également que le caractère manifestement exagéré des primes versées en 2002 et en 2010, au regard de l’âge, de la situation patrimoniale et familiale de la souscriptrice et de l’utilité du contrat pour celle-ci aux dates de ces versements n’a pas été examiné comme le stipule le code des assurances.

S’il est possible de privilégier un de ses héritiers en le nommant unique bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, il convient au souscripteur d’évaluer judicieusement les montants et la fréquence des versements réalisés. En effet, si la définition des primes manifestement exagérées est claire, la situation patrimoniale du souscripteur peut impacter la décision définitive dans le cadre d’une succession.

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