Réforme de la fiscalité du capital : un bilan encore mitigé

15/10/2021

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Réforme de la fiscalité du capital : un bilan encore mitigé

La réforme de la fiscalité du capital de 2018 a remplacé l’impôt sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et instauré le prélèvement forfaitaire unique de 30 % (Flat Tax). L’objectif était de relancer l’investissement dans les entreprises françaises et de favoriser la création d’emplois. Elle a été une des réformes les plus contestées du quinquennat d’Emmanuel Macron. Elle lui aura notamment valu le surnom de « président des riches ». Mais qu’en est-il trois ans après son instauration ? Selon le troisième rapport d’évaluation, présenté jeudi 14 octobre par France Stratégie, le bilan de cette réforme reste mitigé. Si elle a encouragé le retour de quelques exilés fiscaux, elle n’aurait pas encore eu l’effet escompté sur les investissements.

Forte augmentation du versement des dividendes

Il s’agirait d’un des effets les plus importants de cette réforme de la fiscalité du capital. Dès l’instauration de cette dernière en 2018, le versement des dividendes, moins imposés que les salaires, aurait considérablement augmenté. Et il se maintiendrait, depuis, à un niveau relativement élevé. Entre 24 et 25 milliards d’euros de dividendes chaque année.

Cependant, cette augmentation du versement des dividendes ne profiterait qu’à une minorité. France Stratégie révèle en effet, qu’en 2019, 62 % de ces dividendes auraient été perçus par seulement 39 000 foyers français. Soit 0,1 % des foyers. « Parmi eux, 310 foyers ont enregistré une augmentation de plus de 1 million d’euros de leurs dividendes en 2018 et 2019 par rapport à 2017, et représentent à eux seuls une hausse de 1,2 milliard d’euros » peut-on ainsi lire dans ce troisième rapport.

Peu d’impact sur les investissements

Mais alors où sont passés ces dividendes ? Effectivement, un des arguments de cette réforme était que ces dividendes seraient réinvestis dans l’économie réelle. Ils devaient notamment permettre de favoriser les investissements dans les entreprises et ainsi créer de l’emploi. Or, d’après le dernier rapport de France Stratégie, les investissements n’auraient pas décollé comme prévu. « L’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) n’a pas conduit les entreprises dont les actionnaires ont bénéficié du PFU à connaître une évolution de l’investissement significativement différente de celle des autres ».

Selon le ministère de l’Économie et des Finances, il serait difficile de savoir exactement comment est réinvesti cet argent. « L’étude ne peut pas savoir si les actionnaires réutilisent le montant des dividendes pour créer une entreprise » a expliqué Bercy.

Toutefois, France Stratégie précise que la mise en place de la « flat tax » aurait conduit à une hausse globale de l’investissement des entreprises dans d’autres sociétés, et dans l’immobilier…

Aucun effet sur la direction des entreprises

Le troisième rapport de France Stratégie s’est également intéressé à l’impact de la réforme de la fiscalité du capital sur la direction des entreprises. Une augmentation de la part des personnes physiques au capital des entreprises a pu être constatée depuis leur sortie du périmètre de l’ISF. Cependant, il n’y aurait eu aucun effet sur la gouvernance de ces entreprises. « Pas d’effet sur l’âge moyen des dirigeants, ou sur la probabilité qu’un changement de dirigeant soit annoncé, ni sur la circulation du capital » cite le rapport. Mais les comportements mettant souvent du temps à changer, les effets sur la gouvernance des entreprises seront certainement observables sur le plus long terme.

Le retour des exilés fiscaux

La réforme de la fiscalité du capital aurait toutefois eu un impact sur les exilés fiscaux. En effet, elle aurait permis à des foyers assujettis à l’IFI qui s’étaient expatriés, de revenir en France. « Depuis le passage de l’ISF à l’IFI, on observe une baisse du nombre d’expatriations et une hausse du nombre d’impatriations fiscales de ménages français fortunés ».

En effet, en 2019, Bercy aurait enregistré 360 retours pour 270 départs. À titre de comparaison, entre 2011 et 2016, le nombre de retours de foyers taxables à l’ISF était de 370 retours pour 950 départs. Toutefois, le revenu médian des foyers revenants dans l’Hexagone demeure inférieur à celui des foyers s’exilant. 94 000 euros contre 156 000 euros pour 2019.

D’autres effets positifs

Mais ce retour des exilés fiscaux ne serait pas le seul point positif de cette réforme de la fiscalité du capital. En effet, le ministère de l’Économie et des Finances s’est félicité du nombre record de créations d’entreprises et de l’augmentation des levées de fonds. Il s’est également réjoui que la France occupe la première place du classement européen de l’attractivité. « Auparavant, le taux d’imposition marginal effectif des placements financiers pouvait dépasser 100 % pour les contribuables assujettis à l’ISF. C’était dissuasif » a ainsi précisé Bercy.

De même, l’augmentation des versements des dividendes aurait permis de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État. Ce qui n’était pas le cas en 2013. La soumission des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu avait entraîné une perte nette.

Enfin, Bercy a tenu à préciser que si le passage de l’ISF à l’IFI avait entraîné une perte des recettes fiscales d’environ 3 milliards d’euros, le coût net de la réforme était finalement inférieur aux prévisions. 1,5 milliard au lieu de 5 milliards.

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