Les propriétaires de locations saisonnières doivent-ils payer des droits d’auteur à la Sacem ?

15/07/2022

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Locations saisonnières et droits d’auteurs

Quel est le rapport entre la location saisonnière de gîtes, maisons et appartements et les droits d’auteur ? C’est ce que se demandent de nombreux propriétaires. Depuis quelques semaines, ses derniers reçoivent des courriers de la Sacem, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Celle-ci leur réclame des droits d’auteur, pour un montant forfaitaire d’un peu plus de 200 euros par an. Si de nombreux propriétaires ont d’abord cru à une arnaque, il s’agit bien d’un courrier officiel.

Un acte de communication au public

Selon la Sacem, si des exploitants de locations saisonnières « mettent une télévision, une radio, un lecteur CD… à disposition de leurs clients, afin de rendre leur séjour plus agréable, les œuvres diffusées doivent être rétribuées ». En d’autres termes, les propriétaires de ces hébergements doivent payer des droits sur les musiques que leurs clients pourraient écouter sur ces appareils.

C’est ce qu’a expliqué Jean-Félix Choukroun, le directeur du service clients de la Sacem, au Parisien. « Notre démarche est légale, elle répond à une mission d’intérêt général inscrite dans le Code de la propriété intellectuelle. Dès lors que des œuvres protégées sont diffusées de manière directe ou enregistrée dans des locaux proposés au commerce comme l’est une location saisonnière, il y a un acte de communication au public soumis à droits d’auteur ».

300 000 euros d’amende

Pour 2022, ces droits d’auteur correspondent à un montant forfaitaire annuel de 198,01 euros hors taxe. Soit 223,97 euros toutes taxes comprises. « Dans le cas d’une location saisonnière, cela représente 105 à 110 jours de location en moyenne par an. Ce qui revient à 2 euros par jour, ça reste raisonnable » précise le représentant de la Sacem. Par ailleurs, si l’exploitant se manifeste de lui-même et contractualise sa déclaration en ligne, il pourra bénéficier, chaque année, d’une remise de 20 % sur ses droits d’auteur.

Mais gare à ceux qui refuseraient de payer. Ils se verront adresser une lettre de relance de « mise en conformité juridique ». Si malgré cela, ils ne s’acquittent pas de leurs droits d’auteur, ils s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 300 000 euros.

Que prévoit la loi ?

La législation encadrant les droits d’auteur et les hébergements de tourisme n’est pas toujours très claire. Selon l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle ; « seules les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille » sont exemptées de droits d’auteur. Or, des vacanciers ne font pas partie du cercle familial. La Sacem serait donc en droit de récupérer des droits d’auteur dans le cadre de locations saisonnières.

Ce qu’a confirmé le ministère de la Culture, en 2004, dans une réponse à un sénateur. Il avait précisé que sur le fondement de l’article L.122-2 du Code de la propriété intellectuelle ; « la Sacem est amenée à réclamer le paiement d’une rémunération aux établissements hôteliers diffusant des programmes télévisés dans les chambres de leurs clients ». À travers cette réponse, le ministère faisait également référence à un arrêt de la Cour de cassation datant de 1994. L’arrêt CNN qui fait depuis jurisprudence. Les juges avaient estimé que même si les clients d’un hôtel occupaient chacun une chambre individuelle à titre privé, ils constituaient quand même un public. Il s’agit donc bien d’un acte de communication au public soumis au versement de droits d’auteur à la Sacem. Une logique qui peut s’appliquer à tous les établissements touristiques.

Par ailleurs, une circulaire du 23 décembre 2013, concernant les chambres d’hôtes, rappelle cette législation. « La diffusion des œuvres musicales est soumise à autorisation et au paiement de deux redevances distinctes que doivent acquitter les loueurs de chambres d’hôtes. Notamment lorsqu’ils mettent des postes de télévision et/ou des chaînes hi-fi à disposition des personnes accueillies ».

Faire la distinction avec une simple fourniture d’installations

Toutefois, dans un arrêt de décembre 2006 qui fait depuis jurisprudence, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a donné des précisions sur ce que signifiait la communication au public. Selon elle, la simple fourniture d’installations, comme les télévisions installées dans les chambres d’un hôtel, ne constitue pas une communication au public au sens de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. « En revanche, la distribution par l’établissement hôtelier d’un signal permettant la communication d’œuvres, au moyen de ces appareils, aux clients installés dans les chambres de cet établissement, quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée, constitue un acte de communication au public ».

Plus récemment, dans arrêt d’avril 2020. La CJUE a estimé que la mise à disposition d’un poste de radio intégré à une voiture de location, permettant de capter sans aucune intervention additionnelle de la part de la société de location, la radiodiffusion terrestre accessible dans la zone où le véhicule se trouve, était assimilable à de la simple fourniture d’installations. Et non à une communication au public ». Un point juridique qui pourrait jouer en faveur des propriétaires de locations saisonnières à qui la Sacem réclame des droits d’auteur.

Pour aller plus loin :

  • Retrouver l’article d’origine sur BFM Immo