Impôts : le fisc passe au crible les comptes à l’étranger

27/02/2024

À la veille de remplir sa déclaration de revenus, l’administration fiscale s’apprête à détecter les manquements des contribuables. L’effort sera porté, cette année, sur les comptes à l’étranger qui font l’objet d’une déclaration spécifique. Le point sur les obligations et les risques encourus.

Hausse des contrôles

L’affaire Cahuzac a, en 2013, initié la réglementation et la vigilance de l’administration fiscale sur la détention de comptes à l’étranger. Jusqu’en 2017, le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), mis en place par l’administration fiscale, permettait aux contribuables de signaler leur « oubli ». D’après le rapport du fisc annexé à la dernière loi de finances, plus de 50 000 déclarations ont permis de régulariser plus de 35 milliards d’euros d’avoirs en 5 ans.

Désormais, ces demandes de régularisation sont traitées par les services des impôts des particuliers. Déclarer un compte à l’étranger, via ce système, s’effectue sans remise de pénalités, ni d’amendes. Mais l’administration fiscale a renforcé la surveillance. « Depuis 2 à 3 ans, les demandes d’informations sur les comptes étrangers ont sensiblement progressé », confie une professionnelle du conseil au quotidien Les Échos. Elles s’invitent généralement au cours d’un contrôle fiscal. Généralement, il s’agit d’une demande d’informations sur l’existence de comptes à l’étranger dont l’administration fiscale a connaissance.

« Depuis l’affaire Cahuzac, l’échange automatique d’informations est monté en puissance. Beaucoup de pays participent désormais et transmettent, notamment, le solde des comptes à l’administration fiscale », souligne Sabine Portela, secrétaire nationale du syndicat Solidaires Finances Publiques. En 2022, 99 États ont fourni à la France des informations contre une cinquantaine en 2017. Ainsi, la communication internationale facilite l’identification des détenteurs de comptes à l’étranger.

Datamining et courriers de régularisation

Les données récupérées par le fisc à l’étranger constituent des bases d’informations qui permettent ensuite de déceler les manquements ou les erreurs déclaratives. Un fichier nommé « EVAFISC » répertorie les comptes détenus hors de France. Grâce au datamining, l’administration fiscale repère facilement les contribuables concernés et peut déclencher l’envoi de demandes de régularisation automatisées.

Que faire si vous avez reçu une demande de régularisation ? « Ces envois automatiques sont une première invitation à la régularisation mais peuvent aboutir à des contrôles plus formels en l’absence de manifestation des contribuables », explique Linda Sehili, également secrétaire nationale du syndicat Solidaire Finances publiques.

« On assiste à un rééquilibrage entre le contrôle sur les professionnels et le contrôle sur les particuliers. Le dernier plan de lutte contre la fraude fiscale de Gabriel Attal et le contrat d’objectifs et de moyens de la DGFIP indiquent clairement que le patrimonial et le haut du spectre des contribuables vont faire l’objet de contrôles accrus. Les comptes à l’étranger font partie du patrimonial », analyse Sabine Portela pour Les Échos. En 2023, Gabriel Attal, alors ministre chargé des Comptes publics, avait annoncé vouloir hisser la part des contrôles fiscaux des particuliers initiés grâce au datamining à 50 % d’ici 2027.

Obligations du contribuable et sanctions

Signaler la détention d’un compte bancaire à l’étranger est une obligation déclarative. L’administration fiscale demande aux contribuables « de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger » (article 1649 AA, Code Général des Impôts). Le contribuable doit donc faire état de tout compte courant ouvert à l’étranger (y compris les néobanques d’origine étrangère), des contrats de capitalisation ou de placement, mais aussi des comptes de cryptoactifs « ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger » (article 1649 bis C du CGI).

Le contribuable doit déclarer auprès de l’administration fiscale :

  • la nature du compte,
  • la date d’ouverture (et de clôture si celle-ci a eu lieu)
  • l’organisme
  • l’usage (personnel ou professionnel).

Les recommandations générales, faites aux agents du contrôle fiscale fin 2023, ne tendent pas à sanctionner fortement les manquements. « La note nationale indique que l’amende de 60 % ne doit être utilisée qu’en dernier recours et lorsque la situation le justifie », rapporte Sabine Portela. Mais il ne faut pas pour autant minimiser les risques encourus. Une majoration de 80 % peut être appliquée en cas d’absence de déclaration des sommes figurant sur un ou plusieurs comptes à l’étranger. Plus généralement, le contribuable s’expose à une amende de 1 500 euros par compte omis. Ce montant peut s’élever à 10 000 euros si le compte non-déclaré est domicilié dans un État n’ayant pas conclu d’accord de lutte contre la fraude fiscale avec la France. Pour les cryptoactifs, l’amende pour non-déclaration est plus faible. Elle s’élève à 750 euros par compte, sauf si l’encours dépasse 50.000 euros.

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