La Cour des comptes vient de dévoiler un rapport d’initiative citoyenne révélant les chiffres de la fraude fiscale en France. Loin d’être exhaustif, il donne quelques indications sur les efforts déployés par l’administration fiscale pour lutter contre la fraude fiscale.
3 milliards d’euros d’impôts et de pénalités supplémentaires en 2022
« Les seuls montants connus sont ceux des sommes réclamées par l’administration fiscale après contrôle, soit 14,61 milliards d’euros au total en 2022, répartis entre 11,95 milliards d’euros d’impôts éludés et 2,66 milliards d’euros de pénalités » analyse la Cour des comptes.
Les pénalités représentent donc environ 3 milliards d’euros en 2022. Ce chiffre représente la fraude fiscale détectée par l’administration fiscale. Entre 4,5 et 24,5 milliards d’euros, au titre des impôts des particuliers, passent sous les radars de la Direction des finances chaque année.
Échanges d’informations à l’international multiplié par 69
L’échange d’informations à des fins fiscales entre pays est un des outils importants de l’administration fiscale pour dénicher les fraudeurs. « Ces échanges automatiques sont intégrés dans les données de l’administration fiscale depuis 2017 pour les comptes bancaires détenus à l’étranger et les revenus perçus à l’étranger par des résidents fiscaux français », explique la Cour des comptes dans son rapport.
Ce renforcement de la coopération internationale permet d’accroître le nombre de situations fiscales étudiées par la Direction Générale des Finances publiques (DGFiP). De 509 dossiers étudiés par le fisc en 2017, leur nombre est passé à 35.099 en 2021.
Pour rappel, omettre de déclarer un compte à l’étranger, y compris via une néobanque, expose le contribuable à une amende. Elle est de 1500 euros par compte si le pays concerné a conclu une convention de lutte contre la fraude avec la France. Dans le cas contraire, le montant de l’amende est porté à 10 000 euros.
21,3 millions d’euros dépensés pour améliorer les outils de détection de fraude
L’administration fiscale s’appuie sur les nouvelles technologies pour améliorer les techniques de lutte contre la fraude fiscale. Depuis 2016, 21,3 millions d’euros ont été investis dans le programme « Ciblage de la fraude et valorisations des requêtes » (CFVR). Cet outil complet vise à créer des infrastructures techniques et des algorithmes révisant les bases de données des administrations afin de visualiser les irrégularités fiscales. Initialement utilisé pour les entreprises, cet outil s’étend désormais aux particuliers.
Les techniques de datamining constituent un outil efficace de l’arsenal de l’administration fiscale. Il devrait constituer 50 % des méthodes utilisées pour détecter la fraude chez les contribuables particuliers d’ici 2027. « Par exemple, un modèle de valorisation des cessions immobilières a été construit pour détecter les déclarations anormales par comparaison entre la valeur vénale estimée des biens, sur la base des données de l’année 2019, et la valeur déclarée par les particuliers », illustre la Cour des comptes. Selon le rapport, 16 % des dossiers soumis à ce modèle ont fait l’objet d’une rectification de l’avis d’imposition. « Pour un montant de droits rappelés et de pénalités de 49,3 millions d’euros », précise la Cour.
Toutefois, l’efficacité du datamining dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale reste difficile à mesurer. « Les évolutions majeures ayant affecté la gestion des impôts des particuliers et singulièrement l’impôt sur le revenu au cours de la dernière décennie n’ont pas bouleversé l’ordre de grandeur des sommes réclamées par le fisc après contrôles », note la Cour des comptes.
Fraude fiscale : plus de 7 000 réductions et crédits d’impôts détectés
Depuis la mise en place de l’informatisation des déclarations de revenus et le prélèvement à la source, l’administration fiscale observe une hausse des fraudes. Le fisc aurait empêché 7 070 virements suspects en 2022 pour un montant moyen de 5.000 euros. Cela équivaut au total à 35 millions d’euros de versements indus évités.
3,4 millions d’euros pour les « indics »
« Le rendement budgétaire du dispositif des aviseurs fiscaux est élevé », note la Cour des comptes dans son rapport. Les aviseurs fiscaux signalent à l’administration fiscale les situations suspectes. En 2022, trois informateurs ont permis à la DGFiP d’identifier de nouvelles fraudes, portant à 3,4 millions d’euros la rémunération des aviseurs fiscaux entre 2017 et fin 2022.
Au total, neuf informateurs ont été rétribués depuis 2017. Ce chiffre reste mineur comparé au nombre de signalements. On dénombre 446 dénonciations accompagnées d’une demande de rétribution en six ans. « Les affaires ayant effectivement donné lieu à l’ouverture d’un contrôle fiscal se situent autour de 12 % en 2021 et de 11 % en 2022 », détaille la Cour des comptes.
Pas d’évaluation rigoureuse de la fraude fiscale en France
Mais tous ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. « Contrairement à de nombreux pays, la France ne dispose d’aucune évaluation rigoureuse de la fraude fiscale, ni même de l’écart fiscal ». C’est le constat alarmant de la Cour des comptes dans son rapport. L’écart fiscal est la différence entre l’impôt payé et l’impôt qui aurait dû être payé. Ce chiffre inclut la fraude fiscale. Mais aussi les erreurs de déclaration des contribuables et donne une bonne idée du manque à gagner pour l’administration fiscale.
Selon la Cour des comptes, certains pays ont réalisé ce travail. L’Estonie possède l’écart fiscal le plus bas (4,5 %). A contrario, les États-Unis présentent l’écart fiscal le plus haut mesuré (16,6 %). En tenant compte de ces chiffres et en les transposant à la France, l’écart fiscal serait estimé entre 30 et 100 milliards d’euros.
Pour aller plus loin :
- Pour approfondir, lisez le rapport de la Cour des comptes
- S’informer en matière de réduction d’impôt
- Retrouver l’article d’origine sur Les Echos