Les principales mesures fiscales annoncées par Michel Barnier

03/10/2024

Le discours très attendu du Premier ministre, Michel Barnier, devant l’Assemblée nationale a posé les grandes lignes de la politique du nouveau gouvernement. Voici ce qu’il faut retenir.

Réduction des dépenses

« Nous devons faire beaucoup. Et si nous n’arrivons pas à faire beaucoup dans tous les domaines, nous devons faire bien pour répondre aux attentes des Français et des Français. Et nous devons faire avec peu, dans une économie de moyens et de ressources ». Les mots prononcés par Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, le 1er octobre, ont donné le ton. Le nouveau Premier ministre a pris au sérieux la situation fiscale critique du pays et a annoncé une réduction des dépenses. « Nous sommes collectivement sur une ligne de crête », a-t-il déclaré.

« Ramener le déficit à 5 % du PIB en 2025 » puis « sous le plafond de 3 % en 2029 », plafond imposé par l’Union européenne, c’est l’objectif que s’est fixé Michel Barnier. Pour rappel, le déficit devrait dépasser 6 % en 2024. Pour ce faire, le Premier ministre entend réduire fortement les dépenses. « Réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique et à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de toute subvention », a-t-il déclaré. Cette mesure correspondrait, selon lui, aux « deux tiers de l’effort » nécessaire.

Réduire les dépenses, mais aussi optimiser les coûts. Le Premier ministre a appelé à veiller à « l’efficacité de la dépense publique ». « Nous ferons la chasse aux doublons inefficaces, aux fraudes, aux abus et aux rentes injustifiées », a-t-il précisé. En somme, fermer les vannes des dépenses et des exonérations.

Hausse des impôts

Le dernier tiers de l’effort pour le redressement sera « d’ordre fiscal ». Autrement dit, une hausse ciblée des impôts. Michel Barnier a demandé une « contribution exceptionnelle » à certains contribuables :

  • les « grandes entreprises qui réalisent des profits importants »,
  • les Français les plus fortunés (revenus annuels supérieurs à 500 K€ pour un couple), au nom de l’« exigence de justice fiscale ».

Refonte des frais de succession en vue ?

Tandis que le gouvernement parle de « justice fiscale », la Cour des comptes a publié un rapport, le 25 septembre, proposant des pistes de réforme des droits de succession. Les observations de ce nouveau rapport font écho à un constat sociétal : depuis les années 1980, en France, on s’enrichit moins par le travail que par l’héritage. Pourtant, selon le rapport de la Cour des comptes, la part des droits de mutation dans le PIB est la plus élevée de l’OCDE (1,6 %), soit plus de 16 milliards d’euros générés en 2023. Si ce chiffre a doublé depuis 2011, ce n’est pas dû à un durcissement de la fiscalité, mais à la hausse considérable des actifs patrimoniaux.

Selon la Cour des comptes, le système actuel des droits de mutation exacerbe les inégalités en incluant « des dispositifs dérogatoires, qui bénéficient de facto aux ménages les plus aisés ». « Pour les successions en ligne directe de plus de 2,5 millions d’euros, ils seraient équivalents à une baisse de 15 points du taux moyen de taxation », note le rapport. La Cour des comptes estime qu’il est possible de mener une « réforme équilibrée ». Mais les auteurs avertissent qu’un allègement des droits de succession impliquerait un « resserrement » des dispositifs dérogatoires pour mieux prendre en compte les évolutions familiales et sociétales. Un rapport qui tombe à pic pour un gouvernement en quête d’équilibre et de justice sociale.

Dans un contexte de redressement budgétaire, la Cour des comptes a précisé que l’équilibre devait, toutefois, rester une priorité. « Une réforme des droits de succession, si elle devait intervenir, devrait nécessairement se faire à produit constant ». Avant toute décision politique, la Cour des comptes a demandé un chiffrage du manque à gagner pour l’Etat des exonérations des droits de mutation à titre gratuit. Lors de son discours devant l’Assemblée nationale, Michel Barnier n’a pas évoqué le sujet des successions, car l’objectif des mesures proposées dans le rapport n’est pas de faire des économies, mais de faire évoluer le système fiscal.

Pouvoir d’achat boosté

La priorité du nouveau gouvernement reste le redressement budgétaire. Pour soutenir l’économie, le Premier ministre a annoncé une revalorisation du Smic de 2 %, dès le 1er novembre, par anticipation de la date du 1er janvier. « Il reste dans notre pays des branches professionnelles dans lesquelles les minimas sont inférieurs au Smic, ce n’est pas acceptable et cela devra faire l’objet de négociations rapides », a ajouté le chef du gouvernement.

Michel Barnier entend ainsi booster le pouvoir d’achat, mais aussi orienter l’épargne des Français pour mieux servir l’économie. Il envisage la création d’un « nouveau livret d’épargne dédié à l’industrie » pour « soutenir » la « dynamique industrielle » en France.

Le logement, poste important du budget des ménages, n’a pas été oublié. Michel Barnier veut prendre des « mesures rapides pour relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété ». Il envisage notamment une extension du prêt à taux zéro (PTZ) pour les primo-accédants sur tout le territoire. Une mesure destinée à désamorcer la crise du logement en France.

Sur la question du chômage, il a renvoyé la balle aux syndicats et patronats pour négocier sur le système d’indemnisation du chômage, enterrant d’un coup la réforme de l’assurance chômage prévue l’été dernier par le gouvernement Attal. Le nouveau Premier ministre se distingue donc de son prédécesseur en estimant que les partenaires sociaux « sont les mieux placés pour apporter des solutions ».

Aménagement de la réforme de la retraite

Déjà évoqués face à la presse, « des aménagements raisonnables et justes de la loi » voulus par Michel Barnier ont été confirmés dans son discours devant l’Assemblée nationale. « Certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées. Les questions des retraites progressives, de l’usure professionnelle, de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir », a-t-il énuméré.

« Je pense que la situation dans laquelle nous sommes requiert un renouveau du dialogue social et une relation exigeante et constructive avec l’Etat », a-t-il observé. Il a ensuite donné rendez-vous aux partenaires sociaux pour aborder notamment les questions de l’emploi des seniors et de l’assurance-chômage. Le défi s’avère de taille puisque les syndicats, tout comme le Rassemblement national et la gauche, plaident pour l’abrogation de la réforme des retraites.

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