La forte hausse des taux initiée en décembre sur le marché obligataire s’accentue en ce début d’année. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, les taux à 30 ans s’envolent. Un comportement qui traduit une crainte des investisseurs pour l’avenir.

Hausse des taux d’emprunt des États généralisée
Démarrage difficile pour le marché obligataire en ce début d’année. Les taux d’emprunt des États ont flambé sur les sept premiers jours du mois de janvier. Et cette tendance se confirme partout dans le monde. Le taux d’emprunt à 10 ans américain a atteint 4,7 %, soit 10 points de base supplémentaires, tandis que le taux à 30 ans s’approche de 5 %. Ce niveau n’avait pas été atteint depuis décembre 2023, lorsque la Réserve fédérale avait réalisé un des plus forts relèvements des taux de son histoire.
En Europe, le taux d’emprunt à 30 ans britannique a, quant à lui, dépassé les 5 % pour s’établir à 5,35 %. Ce niveau n’avait pas été atteint depuis 1998. En France, le rendement des obligations à 10 ans se rapproche de son pic de juillet dernier, soit 3,46 %.
Un phénomène saisonnier
Cette flambée des taux d’emprunt est-elle un phénomène normal ? « Le mois de janvier enregistre traditionnellement des hausses de taux. Les émissions obligataires sont très nombreuses, et il y a beaucoup de papier à absorber par les investisseurs », explique Matthieu de Clermont chez Allianz GI au quotidien Les Échos. Il s’agit donc, en partie, d’une hausse saisonnière classique.
Mardi 7 janvier, 35 milliards d’euros ont été levés en Europe, tous types d’émetteurs confondus. Le jour suivant, les mêmes volumes ont été atteint. De l’autre côté de l’Atlantique, l’émission de 39 milliards d’obligations d’État à 10 ans n’a pas rencontré le succès espéré auprès des investisseurs. Pourtant, les titres affichaient un taux à 4,68 %, soit supérieur aux prévisions. C’est la première fois que le Trésor américain s’endette à un tel coût sur une durée aussi courte depuis 2007. Si la publication de données encourageantes sur la solidité de l’économie peut être l’une des raisons de l’échec de l’opération, elle ne suffit pas pour expliquer la frilosité des investisseurs.
Ainsi, les cycles saisonniers et les indicateurs économiques ne peuvent, à eux seuls, expliquer cette flambée des taux d’emprunt. « En 2024, les taux avaient grimpé en janvier, mais cette hausse suivait une très forte chute des taux qui avait atteint le point bas en fin d’année. Cette fois-ci, ils ont déjà enregistré une progression de plus de 40 pb depuis début décembre », analyse Matthieu de Clermont.
Signe d’une inquiétude face à l’avenir
Quels indices montrent une hausse inhabituelle des taux obligataires ? Les fortes hausses sur des maturités courtes et importantes (10 ans à 30 ans) ne constituent pas la règle. Ce phénomène indique qu’il y a une hausse des primes de terme, c’est-à-dire un coût supplémentaire demandé par les investisseurs pour prêter sur des durées longues. Or, ce type de comportement de la part des investisseurs est généralement associé à un sentiment d’inquiétude face à l’avenir qui justifie une recherche de rendement plus important. Les craintes concernant l’évolution économique et géopolitique sont alimentées par les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, mais aussi l’investiture de Donald Trump au États-Unis.
Le programme économique du prochain président des États-Unis devrait impacter les échanges commerciaux, et donc l’économie mondiale. Le retour du protectionnisme et la baisse des impôts promise poussent les experts à envisager un fort ralentissement des baisses de taux par la Fed et, par ricochet, les taux obligataires progressent. La crainte du retour de l’inflation pousse les investisseurs à exiger plus de rendement.
La flambée des taux d’emprunt des États vient pénaliser l’économie pour plusieurs raisons :
- les taux d’emprunt à 10 ans servent généralement de base pour fixer le coût du crédit immobilier, mais aussi des crédits aux entreprises.
- la hausse des taux vient aussi alourdir les finances publiques des pays puisque certaines obligations arrivent à échéance et doivent être refinancées par les Trésors, mais à un coût plus élevé.
Toutefois, si les taux augmentent suffisamment, au-dessus de 5 %, les investisseurs pourraient revenir vers les obligations. Seule une forte demande pourrait venir réguler le marché obligataire dans les prochaines semaines.
Pour aller plus loin :
- Mieux comprendre la relation entre le prix d’une obligation et son taux,
- S’informer en matière de Marchés Financiers,
- Retrouver l’article d’origine sur Les Échos.