Taux : la Fed et la BCE ne sont plus sur la même longueur d’onde

06/01/2025

L’année 2025 marque un tournant pour les politiques monétaires de la Réserve fédérale et de la Banque centrale européenne. Alors que l’une va devoir redoubler de prudence, l’autre doit poursuivre sa baisse des taux pour relancer l’économie. Le point sur ces deux politiques monétaires diamétralement opposées.

La politique trumpiste au cœur des décisions de la Fed

Il n’y a pas seulement un océan qui sépare la Réserve fédérale de la Banque centrale européenne (BCE), il y a également l’ombre de Donald Trump. Ou plus exactement celle de son programme économique. Alors que le nouveau président des Etats-Unis s’apprête à prendre ses fonctions, les deux banques centrales se préparent à ajuster leur politique monétaire en conséquence. Pour rappel, Donald Trump, élu à nouveau président des Etats-Unis, envisage d’appliquer une politique économique agressive, notamment à travers une hausse des taxes sur les importations européennes.

Jusqu’à présent, la Fed et la BCE suivaient des trajectoires similaires. La Fed fut la première à relever ses taux directeurs en mars 2022 en raison de l’inflation, suivi, au mois de juillet par la BCE. En 2024, c’est la BCE qui ouvre la voie à une première baisse des taux en juin dernier. À la fin de l’année, les deux banques centrales étaient au coude-à-coude, ayant respectivement baissé leur taux d’un point de pourcentage.

Désormais, leurs chemins vont se séparer. Le président de la Fed, Jerome Powell, l’a annoncé dès le mois de décembre 2024 : « Nous allons aller plus lentement ». Les experts envisagent seulement deux baisses d’un quart de point pour 2025, contre trois auparavant. Ce rétropédalage s’explique par le risque de retour de l’inflation. Un scénario hautement probable si Donald Trump applique son programme à la lettre, notamment la lutte contre l’immigration, l’instauration des droits de douane et les baisses d’impôts massives. « La Fed a laissé entendre qu’elle n’allait pas devancer les effets de ces mesures, mais qu’elle les prendrait en compte au fur et à mesure de leur entrée en vigueur », détaillent les économistes d’ING. Il faudra, toutefois, attendre le printemps prochain pour voir les premiers effets des décisions de l’administration Trump sur l’économie américaine.

La course contre la montre de la BCE

De l’autre côté de l’Atlantique, la BCE a aussi les yeux rivés sur la Maison Blanche, mais la dynamique est différente. Dans une vidéo de vœux, postée sur le réseau social X, la présidente, Christine Lagarde a annoncé : « Nous avons fait des progrès significatifs en 2024 dans la réduction de l’inflation et nous espérons que 2025 sera l’année où nous atteindrons l’objectif prévu et planifié dans notre stratégie ». L’objectif en question est la hausse des prix de la consommation de 2 % sur douze mois glissants. Ainsi, les marchés visent une baisse d’un quart de point des taux directeurs à chacune des prochaines réunions de la BCE jusqu’au mois de juin. Si cette théorie se confirme le taux de dépôt serait porté à 2 %, soit une baisse d’un point de pourcentage en six mois.

Cette succession de baisses est confortée par l’urgence de la situation européenne. En effet, la BCE souhaite soutenir l’économie, déjà atone, avant l’application de la pénalisation des exportations vers les États-Unis. L’instauration de nouveaux droits de douane viendrait freiner une économie qui peine déjà à redémarrer. La crise du commerce mondial, qui viendrait s’ajouter aux incertitudes politiques en France et en Allemagne, refroidirait la consommation des ménages européens. Pour palier ce problème, la BCE envisage de sortir rapidement du territoire restrictif qui freine l’économie en atteignant le taux neutre.

Au sein du Conseil des gouverneurs, les avis sont partagés sur la notion de taux neutre, soit le taux qui n’entraîne pas de surchauffe économique ou de ralentissement. Pour Christine Lagarde, ce taux se situe « entre 1,75 % et 2,5 % ». C’est pourquoi plusieurs baisses de taux pourraient permettre d’atteindre ce taux neutre rapidement. Pour certains banquiers centraux, les « faucons », partisans de l’orthodoxie monétaire, ce taux se situe dans la fourchette haute. Pour les « colombes », favorables au soutien de l’économie, ce taux est plus proche de 1,5 %. Toutefois, la prudence est de mise et la BCE a précisé qu’elle ajustera sa politique monétaire « réunion par réunion, en fonction des données disponibles ». Autrement dit, en cas de signes de forte détérioration de l’économie, la BCE se tient prête à réagir et reste attentive à ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique.

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