Cryptoactifs : la France lutte contre l’anonymisation des opérations

13/05/2025

Adoptée fin avril, la loi contre le narcotrafic introduit une nouvelle notion : la présomption de blanchiment en cas d’utilisation de technologies dans les cryptoactifs dans le but d’anonymiser les transactions. Explications.

Présomption de blanchiment étendue aux cryptoactifs

Fin avril 2025, la France a définitivement adopté une loi contre le narcotrafic qui introduit une présomption de blanchiment d’argent dès qu’une technologie d’anonymisation est utilisée dans les transactions en cryptoactifs (comme le recours aux « mixeurs » ou aux réseaux favorisant l’opacité). Cette extension de la réglementation aux cryptoactifs vient renverser la charge de la preuve. Désormais, toute opération financière réalisée via une technologie d’anonymisation peut être présumée illicite.

Pour rappel, dans le secteur des cryptomonnaies, un « mixeur » est un service mélangeant les fonds de cryptoactifs entre eux afin de les rendre difficilement identifiables. Cette technique permet d’améliorer l’anonymat des transactions en crypto-monnaies. L’utilisation potentielle des services de mixage dans les activités illégales, et plus particulièrement dans le financement du terrorisme, est au cœur des préoccupations des autorités.

Cependant, les acteurs du secteur s’inquiètent des conséquences de cette nouvelle réglementation, car les pratiques de sécurité utilisées régulièrement, comme le changement d’adresse à chaque transaction ou l’utilisation du réseau « Lightning » pour les transactions en Bitcoins, pourraient être visées. « Ces lignes directrices qui imposent d’anonymiser les données présentes sur la blockchain sont logiques, mais incompatibles avec une réglementation financière complètement démesurée », souligne Alexandre Stachtchenko, directeur de la stratégie de Paymium.

Renforcement de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

Dans le cadre de la réglementation européenne de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT), les autorités françaises souhaitent prévenir la criminalité financière.

Ce texte de loi s’inscrit dans la réglementation européenne « AMLR », publiée en décembre 2024, qui prévoit la fin des prestations de comptes et transactions anonymes sur cryptoactifs à partir de 2027.

Quelles sont les professions nouvellement concernées ?

Les prestataires de services dans le secteur des cryptoactifs ne sont pas les seuls concernés par le renforcement des obligations de lutte contre le blanchiment. D’autres professionnels sont tenus de signaler les transactions suspicieuses à Tracfin, le service de renseignement luttant contre les activités illégales.

Sont désormais concernés :

  • les vendeurs de voitures, de jets privés ou de yachts de luxe ;
  • les promoteurs immobiliers et marchands de biens ;
  • les clubs de football professionnels.

Zoom sur la réglementation LCB-FT

La réglementation LCB-FT française est composée de trois volets :

  • un volet préventif destiné à entraver l’intégration d’argent blanchi dans le système financier grâce à la vigilance de plusieurs professions.
  • un volet de renseignement financier : le réseau Tracfin
  • un volet répressif reposant sur l’action des services d’enquêtes administratifs et judiciaires agissant pour le démantèlement des réseaux.

Lutte contre le narcotrafic vs. protection des données personnelles

En cherchant la transparence à tout prix dans les opérations de cryptoactifs, l’Union européenne envoie des signaux contradictoires. Alors que la réglementation LCB-FT veut inciter les acteurs de la crypto a utiliser la blockchain, le Comité européen de la protection des données (EDPB) a pointé du doigt cette technologie numérique de stockage des données. Pour l’institution européenne, la blockchain constitue, par sa nature, une entrave au droit à l’oubli, puisque les données stockées ne peuvent pas être effacées. Pour rappel, la blockchain est une technologie permettant, par système de chaînes, de connecter plusieurs utilisateurs à travers le monde afin de réaliser des transactions sécurisées et transparentes.

Selon le Comité, l’impossibilité technique d’effacer les données de la blockchain est un non-respect du RGPD (Règlement européen sur la protection des données personnelles). Or, pour respecter le RGPD, le Comité propose des solutions permettant d’anonymiser les données relatives aux opérations, notamment via des « mixeurs ». C’est donc le serpent qui se mord la queue.

Que retenir ?

  • Une loi adoptée par le Parlement pose la présomption de blanchiment en cas d’utilisation de services d’anonymisation dans le cadre d’opérations de cryptoactifs.
  • Cette mesure s’inscrit dans la réglementation européenne de lutte contre le blanchiment et de financement du terrorisme, mais vient contredire la réglementation en vigueur pour la protection des données personnelles.

Pour aller plus loin :