Comment l’élection de Trump rassure les marchés financiers en Europe

20/11/2024

L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis a donné un souffle aux marchés financiers. Ces derniers espèrent une accélération de la baisse des taux d’intérêt en Europe avant le tour de vis protectionniste républicain. Analyse de la situation.

L’effet Trump

Quelques semaines après l’élection de Donald Trump à la Maison blanche, certains traders jouent leur va-tout. L’un d’eux a acquis pour 625 000 euros d’options sur les marchés financiers. Un pari risqué qui peut rapporter gros si les prévisions de cet expert sont justes. Autrement dit, si la Banque centrale européenne (BCE) baisse ses taux de trois quarts de point d’un seul coup le mois prochain, ou, autre option, si elle réalise deux baisses successives, d’un demi-point en décembre puis d’un quart de point le mois suivant, ce sera le jackpot.

Pour comprendre ce comportement, il faut s’intéresser aux conséquences de l’élection de Trump sur l’économie mondiale. La politique protectionniste promise par Donald Trump implique une hausse importante de droits de douane sur les importations européennes. « Si les plans douaniers devaient être mis en œuvre, cela pourrait tout à fait coûter 1 % de la performance économique en Allemagne », a affirmé Joachim Nagel, président de la Bundesbank.

Indépendamment de l’élection américaine, la BCE a déjà revu ses taux de trois quarts de point depuis l’été. Toutefois, avec un taux de dépôt à 3,25 %, le coût du crédit reste encore élevé en Europe. Le spectre d’un ralentissement économique pourrait convaincre la BCE d’agir rapidement et de décider, dès la fin de l’année, un assouplissement plus important de sa politique monétaire. Selon les experts, la probabilité que le taux soit abaissé à 2,75 % au mois de décembre reste de 30 %. Sur le marché obligataire, les taux à 10 ans des Etats de la zone euro est en recul.

La prudence de la Réserve fédérale

Le compte-rendu de la dernière réunion de la BCE montre que les préoccupations sur la croissance sont réelles. Une nouvelle baisse des taux devrait donc se justifier aisément pour le mois de décembre. De l’autre côté de l’Atlantique, la Réserve fédérale américaine ne semble pas jouer contre-la-montre.

Le président Jerome Powell a soutenu que la Fed « n’était pas du tout dans l’urgence pour baisser ses taux ». À son habitude, il a rappelé que les prochaines données économiques guideraient leurs décisions. Si une nouvelle baisse des taux américains n’est pas à écarter, la probabilité d’une baisse des « Fed funds rates » est tombée à 50 %.

Mais c’est justement l’attitude mesurée de la Fed qui doit mettre la puce à l’oreille de la BCE. Car un relèvement des droits de douane conjugué à une baisse des impôts promise par Trump pourrait dynamiser l’économie américaine et faire décoller les prix à la consommation aux Etats-Unis. Le risque est justement là. Si les taux américains et européens s’écartent trop, l’euro s’en trouvera affaibli face au dollar.

Le danger de l’assouplissement quantitatif

Face à l’optimisme des marchés, le dilemme de la politique monétaire de la BCE est loin d’être résolu par de simples baisses de taux. Dans un discours à Washington, Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, a appelé à la méfiance face aux futurs programmes d’achats d’actifs. Ces programmes sont des assouplissements quantitatifs (quantitative easings ou QE en anglais), outil de politique monétaire non conventionnelle. Ils sont souvent utilisés pour lutter contre un risque, comme ce fut le cas en 2010 ou durant la pandémie de Covid-19. Concrètement, il s’agit pour une banque centrale d’intervenir massivement sur les marchés financiers en achetant des actifs afin de faire baisser mécaniquement les taux d’intérêt.

Isabel Schnabel a souligné que les QE sont efficaces en temps de crise « mais leur rapport coût-bénéfice est moins favorable lorsqu’il s’agit de stimuler l’économie », notamment lorsque les taux sont déjà bas. Elle préconise donc d’éviter le recours aux QE et de privilégier les taux d’intérêt pour contrôler l’inflation. Ses avertissements ne sont pas anodins : la BCE doit présenter les résultats de sa nouvelle revue stratégique courant 2025.

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