À peine nommé, Michel Barnier est appelé à prendre position face au déficit public et à la situation budgétaire. Il a évoqué une éventuelle hausse des impôts. Une idée défendue par le gouverneur de la Banque de France, mais mal reçue par ses soutiens macronistes et républicains.
Le nouveau Premier ministre aux prises avec le budget
« Très grave », c’est ainsi que le Premier ministre fraîchement nommé, Michel Barnier, a défini la situation budgétaire de la France. « Cette situation mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité », a-t-il ajouté dans une déclaration à l’AFP, mercredi 18 septembre.
Alors que la présentation du budget 2025 est retardée et que le déficit public pour 2024 est à nouveau revu à la hausse (5,6 % du PIB contre 5,1 % prévu), les décisions pour rétablir la santé financière de la France se font attendre. « Depuis 7 ans, on observe des baisses d’impôts assez importantes », a observé, dans Capital, l’économiste Raul Sampognaro.
Au lendemain de sa nomination, Michel Barnier déclarait dans une interview au JT de 20 heures de TF1 : « je ne m’interdis pas une plus grande justice fiscale, les Français ont envie et besoin de justice ». Une position en rupture avec la politique portée par Emmanuel Macron.
L’appel du gouverneur de la Banque de France
Pourtant, le Premier ministre n’est pas le seul à mettre sur la table la question de la hausse des impôts. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, souhaite que ce tabou soit levé pour que le déficit public de la France repasse sous la barre des 3 % d’ici à 2029. « La France n’a plus les moyens de ces baisses d’impôts non financées », a-t-il expliqué lors dans une interview au journal « Le Parisien », le 17 septembre.
Pour « trouver 100 milliards d’euros sur cinq ans, soit 20 milliards d’euros par an », il faut un rééquilibrage des finances qui, selon le haut fonctionnaire, se répartit à « trois quarts de l’effort, au niveau de l’Etat, mais aussi des dépenses locales et sociales » et le dernier quart en hausse d’impôts. Le gouverneur de la Banque de France suggère de porter l’effort fiscal sur « certaines niches fiscales [qui] profitent plus aux grands groupes et aux ménages les plus favorisés » ainsi qu’à « certaines exonérations sur les carburants [qui] encouragent en fait la consommation d’énergie fossile ».
Le choix de la hausse des impôts est aussi soutenu par le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. « Nos concitoyens, notamment les classes populaires et moyennes, ont le sentiment que pèsent sur eux des charges fiscales lourdes, alors que d’autres y échapperaient », a-t-il déclaré dans une interview au Parisien. L’économiste Jean Pisani-Ferry, proche d’Emmanuel Macron, estime lui aussi qu’il s’agit de la seule issue : « on ne se sortira pas de cette situation budgétaire uniquement avec des mesures sur les dépenses ».
La hausse des impôts, une « ligne rouge » à ne pas dépasser ?
Cette position est loin de trouver un soutien dans la classe politique macroniste. Gabriel Attal a demandé une clarification de la « ligne politique » de son successeur et ne s’est pas présenté à la réunion prévue à Matignon mercredi. Gérald Darmanin a été direct sur sa position, lors d’une apparition sur France 2 : « je ne participerai pas à un gouvernement qui ne soit pas clair sur la question des impôts ».
Mais le malaise ne s’arrête pas aux rangs du parti Renaissance, Les Républicains, qui ont fait campagne sur une baisse de la fiscalité, peuvent difficilement retourner leur veste et soutenir une hausse des impôts. La réunion des dirigeants du parti, avec Gérard Larcher, Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, attendue à Matignon dans la soirée, a été annulée.
Le parti de Marine Le Pen pose une règle, à travers les mots du député Sébastien Chenu : « nous redisons à Michel Barnier que c’est une ligne rouge que celle de l’augmentation de la fiscalité et des impôts pour les foyers français ». Pour le Rassemblement National, il y a « mille pistes de baisse des dépenses (coût de l’immigration, guichet social, millefeuille territorial, “fromages de la République”) et mille pistes pour augmenter les recettes ». Sur X, le président du parti, Jordan Bardella, a aussi réagi à mi-chemin entre la menace et la prophétie : « sans imagination et sans courage, Michel Barnier risque de vite se retrouver sans gouvernement ».
L’urgence de la situation budgétaire requiert une politique efficace. Or, il ne peut y avoir de politique efficace sans soutien. La question fiscale, toujours délicate, pourrait vite devenir un véritable casse-tête pour le nouveau Premier ministre.
Pour aller plus loin :
- Lire l’interview du gouverneur de la Banque de France
- S’informer en matière d’Impôt sur le revenu
- Retrouver l’article d’origine sur Capital