Les abus sur la labellisation « durable » des fonds ESG sont dénoncés par deux études. Ces dernières mettent en avant les incongruités des critères ESG avec le financement massif des énergies fossiles de ces fonds. Alors que les sociétés de gestion sont accusées de greenwashing, la réglementation peine à clarifier la labellisation des fonds d’investissement durables.
Les sociétés de gestion pointées du doigt
Le 12 décembre, l’ONG climatique InfluenceMap tire la sonnette d’alarme : 89 % des fonds se revendiquant « durables » ne respectent pas le scénario net zéro de l’Agence internationale de l’énergie pour 2050. Ce scénario a pour ambition de montrer la voie au secteur de l’énergie pour parvenir à des émissions nettes de CO2 nulles d’ici 2050. « Les fonds ‘actions ESG’ sont même moins alignés que les autres sur les objectifs climatiques », souligne le think tank.
« Plus de 7,3 milliards de dollars ont été investis par les grands gestionnaires d’actifs dans des obligations d’entreprises développant des projets fossiles entre début 2023 et juin 2024 », détaille Reclaim Finance. L’ONG critique le vote d’approbation des asset managers aux décisions de gestion des grands développeurs d’énergies fossiles lors des assemblées générales.
Une réglementation trop lente
Ce n’est pas la première fois que les sociétés de gestion sont mises au pilori. Pour mieux encadrer les pratiques des milliers de fonds durables, l’ESMA, le gendarme boursier européen, a proposé, en mai dernier, un cadre pour clarifier la dénomination « ESG » et tout autre terme terme relatif à la durabilité et la transition écologique. Le projet, s’il est mené à bout, devrait obliger certains sociétés de gestion à abandonner la dénomination « ESG » ou à modifier leur stratégie d’investissement. Bien que la réglementation se précise sur la labellisation des fonds d’investissement, son évolution est jugée trop lente.
Au niveau européen, Bruxelles avait établi une réglementation en 2021, nommée SFDR, pour lutter contre le « greenwashing ». Ce texte vise à catégoriser les produits financiers selon trois catégories de durabilité :
- fonds article 6, désignés comme non-durables ;
- fonds article 8, incluant des caractéristiques environnementales et sociales dans leur stratégie ;
- fonds article 9, dont les caractéristiques environnementales et sociales sont l’objectif premier.
En théorie, selon cette réglementation, les fonds « ESG » devraient entrer dans la catégorie des fonds article 9. Or, le rapport de l’ONG montre qu’ils se trouvent aussi dans la catégorie des fonds article 8. Autrement dit, les premiers investissent davantage dans les sociétés « vertes et durables » que dans les groupes d’énergies fossiles (11,2 milliards d’euros contre 581 millions d’euros). Ce qui est en accord avec la labellisation. En revanche, les fonds article 8 font le contraire, respectivement 39,4 milliards d’euros contre 43,8 milliards d’euros.
« Notre étude montre le décalage complet, pour le moment, entre la labellisation des fonds et la réglementation européenne, puisque 71 % des fonds soi-disant durables ne sont pas article 9 », analyse Tom Alcoran d’InfluenceMap. Jugée complexe, cette réglementation devrait être modifiée par la Commission européenne prochainement. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a décidé, ce mois-ci, d’appliquer les orientations sur les noms des fonds ESG ou liés à la durabilité indiquées par l’ESMA.
Pour aller plus loin :
- Lire le communiqué de l’AMF
- S’informer en matière de Marchés financiers
- Retrouver l’article d’origine sur Les Echos