La remontée des taux, bonne ou mauvaise nouvelle pour votre patrimoine ?

20/01/2025

Le rendement des obligations assimilables du Trésor (OAT) à 10 ans a bondi de 25 points en quelques jours. Un signal important qui pourrait avoir des conséquences sur vos investissements et projets immobiliers. Explications.

Hausse de l’OAT à 10 ans

Quand la boussole du crédit s’affole, quelle réaction faut-il adopter ? C’est la question que se posent les investisseurs après la hausse du taux de l’OAT à 10 ans, passant de 3,20 % à 3,47 % en seulement 11 jours. Un niveau historiquement élevé qui ne laisse pas indifférent.

Ce bond s’explique par les incertitudes qui entourent l’adoption de la loi de finances 2025. Cet environnement instable a poussé les investisseurs à exiger de l’État français le paiement de taux d’intérêt plus élevés pour financer sa dette à long terme.

Cependant, deux jours plus tard, l’OAT est légèrement redescendue pour se fixer à 3,44 %. Le discours de politique générale prononcé par François Bayrou, écartant le gel de la réforme des retraites et une hausse des impôts, a rassuré les investisseurs. Le répit est peut-être de courte durée, car le Budget 2025, destiné à redresser les finances publiques, n’est toujours pas adopté. L’OAT pourrait bondir à nouveau dans les prochaines semaines. Dans ce cas, une hypothétique hausse durable pourrait alors véritablement impacter le patrimoine des Français, notamment le crédit immobilier et l’assurance-vie.

Quel impact sur les taux immobiliers ?

Pourquoi une hausse de l’OAT pourrait remettre en cause vos projets immobiliers ? Parce que les taux d’intérêt des crédits immobiliers sont fixés en fonction du taux de l’OAT à 10 ans, et plus particulièrement les prêts à taux fixe. De ce fait, une hausse de l’OAT implique une hausse des taux d’emprunts immobiliers. Généralement, lorsque l’OAT augmente de 1 %, les banques remontent leurs taux de 1,4 %. La tant attendue baisse des taux immobiliers n’aura-t-elle pas lieu ?

« Le consensus estimait que l’année 2025 allait être celle de la reprise du marché de l’immobilier. Cette éventualité s’éloigne malheureusement de plus en plus », analyse Christopher Dembik, Senior Investment Adviser chez Pictet. Pourtant, il estime que « les banques essaient de tenir leurs objectifs commerciaux d’obtention de prêts immobiliers sans trop tenir compte de la montée des taux ». Au mieux, il faut donc s’attendre à une pause dans la baisse des taux. Mais si l’OAT se maintient à un niveau élevé, les banques finiront par suivre. Pour le moment, les barèmes des taux pour le mois de janvier sont stables. Selon Ludovic Huzieux co-fondateur d’Artémis courtage, la réaction des établissements prêteurs pourrait intervenir si le taux atteint le seuil symbolique de 4 %.

Assurance-vie : les fonds en euros sont-ils en péril ?

La hausse des taux longs n’est pas sans conséquence pour les fonds euros de l’assurance-vie, placement préféré des Français. Faut-il s’inquiéter ? Pas forcément. Les taux souverains constituent un indice du taux de rémunération des nouvelles obligations acquises par les assureurs. Autrement dit, grâce à cette nouvelle collecte, les assureurs peuvent rehausser le taux de rémunération des fonds en euros. Pour preuve, les fonds en euros rapportaient en moyenne 1,3 % en 2021 contre 2,5 % anticipés pour 2024. « On ne peut pas s’engager sur un taux maintenu à 3,1 %. Mais on a une relution forte de notre portefeuille obligataire et elle va s’accélérer car les obligations à maturité ont des taux de rendement faibles », détaille Stéphane Dessirier, directeur général de la MACSF au quotidien Les Echos.

Toutefois, la méfiance est de mise. Une hausse trop rapide de l’OAT n’est pas de bon augure, notamment pour certains assureurs gérant des contrats fortement exposés aux obligations émises lorsque les taux étaient très bas. Un retrait rapide des investisseurs obligerait ces assureurs à revendre leurs vieilles obligations. Si ce phénomène devient massif, il peut générer une crise de solvabilité. « Ce risque survient quand il y a une hausse des taux extrêmement rapide, par exemple si l’OAT passait de 3,4 % à 5 % ou 6 % en quelques jours. À l’inverse, une hausse de taux progressive est tout à fait gérable par les assureurs. Au contraire, elle contribue à augmenter la rémunération des fonds en euros », explique Philippe Crevel, directeur général du Cercle de l’Épargne.

Les fonds obligataires et les actions sont-ils touchés ?

Côté marchés financiers, la hausse de l’OAT à 10 ans n’est pas une bonne nouvelle. « Depuis le début de l’année en à peine quinze jours, la perte sur la valeur d’un fonds ou d’un OPC investi sur la dette française serait de près de 2 % », signale Yannick Lopez, directeur des gestions Taux et Solutions de Trésorerie chez OFI Invest AM. Si la hausse de l’OAT entraîne une perte de la valorisation des obligations, l’enjeu est surtout qu’il se stabilise afin que les taux obligataires restent positifs pour cette année. À noter que les obligations bénéficient du portage, ce qui permet aux investisseurs de percevoir un rendement qui augmente toujours légèrement malgré les variations de l’OAT.

Le marché des obligations reste sensible aux risques budgétaires et politiques. Or, la France est loin d’être dans une situation dénuée de tout risque dans ces deux domaines. « Les spreads des obligations d’Etat françaises sont actuellement en attente, le marché attendant de voir dans quelle mesure les plans de consolidation budgétaire seront crédibles sous la pression des deux côtés du spectre politique », analyse-t-on à la banque Suisse UBP.

À terme, si la tension persiste sur le marché obligataire, elle pourrait impacter le marché des actions. « Elles ont jusqu’alors plutôt bien tenu. Mais cette hausse des taux sur les obligations souveraines pourrait faire peser un risque sur les taux de refinancement et créer des tensions pour les entreprises », remarque Alexandre Baradez, analyste marché chez IG.

L’étroite relation entre OAT et impôts

La hausse de l’OAT à 10 ans oblige donc l’État à payer plus cher pour sa dette. Les 300 milliards d’euros que la France compte emprunter cette année coûteront donc davantage et provoqueront tôt ou tard un surcroit de fiscalité.

Dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, le nouveau Premier ministre a promis des « économies importantes » pour réduire le lourd « surendettement » de la France. Toutefois, il a affirmé que sur le plan de la fiscalité, les entreprises, moteur de l’économie, devaient rester « prémunies contre des augmentations exponentielles d’impôts et de charges ».

La piste explorée actuellement, comme source de revenus, viserait les hauts patrimoines. Bercy envisage de leur appliquer un surcoût fiscal. Seuls quelques centaines ou milliers de contribuables seraient concernés. La hausse généralisée de l’impôt sur le revenu s’éloigne, laissant la question du financement de la dette en suspens.

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