Inflation : la fin d’une ère pour la BCE et la Réserve fédérale

05/11/2024

La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé pour 2025 le retour, durable, à une inflation à 2 %. Mais, alors que l’Europe relâche enfin la pression sur les taux d’intérêt, le résultat de l’élection présidentielle américaine pourrait avoir l’effet inverse sur la Banque centrale américaine. Le nouveau président Donald Trump a multiplié les attaques contre Jerome Powell, le président de la Fed, menaçant l’indépendance de l’institution. La fin de l’année 2024 pourrait être synonyme de la fin d’une ère des deux côtés de l’Atlantique.

La BCE annonce la fin de la lutte contre l’inflation

A un mois de la prochaine réunion de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, sa présidente, semble confiante. « Je veux voir cet objectif de 2 % atteint de manière durable. En l’absence de choc majeur, ce sera le cas dans le courant de 2025 », a-t-elle déclaré dans un entretien au quotidien Le Monde. Cet optimisme est partagé par le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau : « Nous devrions atteindre notre objectif de 2 % plus tôt que prévu dans l’année 2025 ». Qui dit fin de la hausse de l’inflation, dit relâchement des restrictions sur la politique monétaire et probablement nouvelle baisse des taux d’intérêt.

Le ralentissement de l’inflation, enregistré en septembre dans la zone euro, est plus important que prévu : 1,7 % sur un an, pour la première fois depuis 3 ans (contre 2 % estimé). Parallèlement, la croissance de la zone euro est plus élevée que prévue au troisième trimestre, avec une évolution du PIB de +0,4 % par rapport au trimestre précédent. Cette résilience inattendue s’explique par la résistance de l’Allemagne pourtant menacée par une récession. Cette évolution conforte donc la BCE dans son estimation.

« Peut-être aurait-on pu commencer à intervenir quelques mois plus tôt. Mais nous avons relevé les taux à un rythme inédit, et nous avons réussi à diminuer l’inflation de manière significative sur une période courte », a affirmé la Banque centrale européenne. Les débats sont désormais ouverts pour déterminer s’il faut augmenter le rythme des baisses de taux afin de stimuler l’économie ou de maintenir une stratégie prudente. Pour rappel, la BCE a entamé une baisse graduelle de 25 points de base en juin, en septembre et en octobre dernier. Christine Lagarde a confirmé que la baisse des taux allait se poursuivre.

L’ombre de Donald Trump sur la Banque centrale américaine

Outre-Atlantique, la pression imposée par l’élection présidentielle ne semble pas perturber la Banque centrale américaine, qui a abaissé son taux directeur d’un quart de point, jeudi 7 novembre. Les taux américains sont désormais dans une fourchette de 4,50 % à 4,75 %. Par l’intermédiaire de son président, Jerome Powell, la Réserve fédérale (Fed) a affirmé que la victoire de Donald Trump n’impactera pas immédiatement les décisions de l’institution. « À court terme, les élections n’auront aucun effet sur nos décisions. Nous ne savons pas quel sera le calendrier et le type de réformes à venir et donc nous ne savons pas quels peuvent être les effets sur l’économie. Nous ne devinons pas, nous ne spéculons pas, nous ne supposons pas », a-t-il assuré.

La question de la démission du président de la Fed, suite à l’élection de Donald Trump, a été soulevée lors de la conférence de presse. La réponse de Jerome Powell a été claire : « Non ». Cette question fait suite aux relations tendues entre les deux hommes depuis plusieurs années. Le mandat de Jerome Powell, initié par Donald Trump en 2018, à la tête de l’institution doit s’achever en 2026. Mais, depuis le début de son mandat, le Républicain a publié plus d’une centaine de massages sur les réseaux critiquant les actions de la Fed qui ne baissaient pas assez les taux à son goût.

Le président, fraîchement élu, s’est plusieurs fois exprimé sur la future relation entre la banque centrale et le gouvernement. Théoriquement, la Réserve fédérale est indépendante du pouvoir politique américain. Toutefois, Donald Trump estime « qu’il devrait avoir le droit de dire ‘vous devriez les monter ou les baisser un petit peu’ », même s’il admet qu’il ne peut pas directement influencer la politique de la Fed.

« Un sentiment d’anxiété pourrait apparaître sur les marchés si M. Trump cherche à saper l’indépendance de la banque centrale américaine, ne serait-ce que sous la forme de commentaires. La prime de risque américaine pourrait augmenter en même temps que la pression sur l’offre de nouvelles émissions du Trésor américain vendues à l’international », analyse Michael Krautzberger chez Allianz GI.

L’indépendance et la crédibilité de la banque centrale américaine sont les garanties d’un financement à coût raisonnable. Mettre en danger ces mécanismes revient à donner un grand coup de pied dans la fourmilière du projet économique du futur président. En effet, les baisses d’impôts promises par Donald Trump et les pressions inflationnistes causées par sa lutte contre l’immigration et les barrières douanières imposées aux produits chinois et européens devraient contraindre la Fed à stopper la baisse des taux. La menace du ralentissement de l’économie suffira-t-elle à persuader Donald Trump d’infléchir son discours ? Rien n’est moins sûr.

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