
La récente décision du Conseil d’État pourrait entraver le droit à la correction fiscale accordé aux contribuables, après la date limite de déclaration des revenus. Cette récente jurisprudence remet en question l’intérêt de la télé-correction. Explications.
La très pratique correction en ligne
Le droit à l’erreur offre une palette d’outils permettant aux contribuables de rectifier leur déclaration de revenus pendant et après la date limite. Depuis 2017, le système de télé-correction autorisant la rectification en ligne offre la possibilité d’apporter des corrections à sa déclaration fiscale.
La télé-correction est une procédure simple à l’initiative du contribuable qui évite la voie contentieuse via la réclamation. Ainsi, le droit à l’erreur repose sur la bonne foi du contribuable. En cas d’erreur de déclaration, il revient à l’administration de démontrer l’erreur ou la mauvaise foi du déclarant. Or, la décision n°496935 du Conseil d’État, rendue le 9 mai 2025, vient remettre en cause ce système.
Le Conseil d’État remet en cause le droit à l’erreur
Le contexte
La décision rendue par le Conseil d’État fait suite à un conflit entre un couple de contribuables et l’administration fiscale. Le couple, victime d’une escroquerie de type pyramide de Ponzi, a tenté de rectifier à la baisse sa déclaration de revenus via le service de télé-correction, invoquant une erreur sur le montant réel des revenus perçus, considérant les premiers retours sur investissement comme un remboursement partiel du capital. L’administration fiscale refuse alors de tenir compte de cette correction et considère qu’il s’agit d’une réclamation contentieuse.
Un long parcours judiciaire commence alors pour le couple qui obtient gain de cause devant la cour d’appel administrative de Paris en 2021, mais le Conseil d’État annule l’arrêt prononcé. L’affaire est renvoyée devant le tribunal administratif qui donne à nouveau raison au couple. Or, le ministre de l’Économie forme un nouveau pourvoi qui mène l’affaire devant le Conseil d’État qui doit trancher.
La décision
Selon le Conseil d’État, la correction effectuée par le couple, intervenue après le délai de déclaration, constitue une réclamation contentieuse. « Est sans incidence à cet égard la teneur d’un communiqué ministériel annonçant l’ouverture de ce service, lequel communiqué, ne comportant que des énonciations relatives à la procédure d’imposition, ne saurait contenir aucune interprétation de la loi fiscale opposable », commente le Conseil dans sa décision. Cette jurisprudence va donc plus loin et affirme que le communiqué ministériel de 2017, relatif à la télé-correction, n’a aucune portée juridique.
Impôts : perte d’intérêt de la télé-correction
« On peut à présent se demander quel est l’intérêt du dispositif de déclaration rectificative en ligne dès lors que le Conseil d’État a jugé que tout ce qui est hors délai est une réclamation, qui fait peser la charge de la preuve sur le contribuable », analyse Marc Pelletier, avocat associé au cabinet Racine pour Les Echos. En affirmant que la télé-correction n’a pas de valeur juridique, le Conseil d’État remet en cause la relation de confiance entre contribuables et administration et le système de rectification.
« On peut se demander si le Conseil d’État ne rejette pas totalement la volonté initiale de Bercy sur le droit à l’erreur. Car dès lors que les rectifications des revenus, formulée après l’expiration du délai de déclaration, relèvent forcément de la réclamation selon le Conseil d’État, la charge de la preuve repose sur le contribuable », explique Florence Ruault, avocate fiscaliste. Désormais, si la charge de la preuve est au contribuable, ce dernier n’a pas intérêt à signaler une erreur de déclaration à l’administration fiscale. D’autant plus, dans des cas d’escroquerie où la preuve de non-perception des gains est très difficile à prouver.
Erreur de déclaration à la hausse ou à la baisse : que faire ?
Cette année, le service de télé-correction de revenus est ouvert à partir de début août jusqu’à début décembre 2025.
En cas d’incertitude sur le montant à déclarer à l’administration fiscale durant la période de déclaration, privilégiez un montant à la baisse et formulez une mention expresse expliquant que vous n’avez pas encore l’information. Une fois, l’information à votre disposition, rectifiez rapidement votre déclaration à la hausse. Cette méthode vous assure de bonnes relations avec l’administration fiscale même en cas de doute ou d’erreur.
Que retenir
- Une récente décision du Conseil d’État remet en cause le droit à l’erreur des contribuables français
- Une correction à la baisse de la déclaration de revenus peut, désormais, est considérée comme une réclamation contentieuse.
Pour aller plus loin :
- Pour approfondir, lisez la décision du Conseil d’Etat
- S’informer en matière d’Impôt sur le revenu
- Retrouver l’article d’origine sur Les Echos