
La guerre commerciale lancée par Donald Trump accroît l’incertitude face à la politique monétaire à adopter. La Réserve fédérale (Fed) des États-Unis opte pour le maintien des taux et se pose en observatrice plutôt qu’en actrice. Analyse.
La Réserve fédérale sur sa réserve
La Banque centrale des États-Unis navigue à vue. Après avoir annoncé le maintien des taux directeurs début mai, elle a détaillé sa position dans un communiqué : « l’incertitude sur les perspectives économiques s’est encore accrue. Le comité est attentif aux risques des deux côtés de son mandat et juge que les risques ont crû, celui d’un chômage plus élevé et celui d’une inflation plus élevée ».
Pour résumer, la hausse des droits de douane promise par Donald Trump commence à se répercuter outre-Atlantique. Mais, en posant un moratoire, le président américain a laissé planer le suspense densifiant le brouillard dans lequel se trouvait déjà la Fed suite à son élection. En attendant l’issue de la guerre commerciale, la Fed ne peut qu’attendre.
Le dilemme de politique monétaire
Les banquiers centraux américains se retrouvent face à deux options :
- remonter les taux si l’inflation reprend ;
- accélérer la baisse entamée si le marché de l’emploi se détériore.
Or, la guerre commerciale pourrait bien provoquer simultanément une hausse des prix et une baisse de l’emploi. Le dilemme est justement là. Lors de sa conférence de presse, Jerome Powell s’est voulu rassurant : « Notre politique est bien positionnée. Nous n’avons pas besoin de nous dépêcher, nous pouvons être patients ».
Le président de la Réserve fédérale a énuméré quatre politiques de l’administration Trump dont « l’effet sur l’économie est hautement incertain » : le commerce, l’immigration, les baisses d’impôts et la déréglementation. « Il y a tellement d’incertitudes sur l’envergure, le calendrier et la pérennité des droits de douane », a-t-il détaillé.
Hausse des prix, emploi et ralentissement de la croissance
Toutes ces incertitudes ne manquent pas de raviver les anticipations inflationnistes, malgré la baisse considérable de l’inflation post-Covid. Car, à court terme, la hausse des droits de douane va entraîner un renchérissement des importations et donc une hausse des prix. Autre scénario envisagé, les producteurs américains, n’ayant plus (ou moins) de concurrence des fournisseurs étrangers, pourraient remonter leurs prix. Cette stratégie a déjà été annoncée par le fabricant de jouets Mattel et le groupe Procter & Gamble. Les prix à la consommation vont donc être suivis avec attention dans les prochains mois, même si les effets ne seront probablement pas visibles avant l’été.
L’autre paramètre observé à la loupe : l’évolution de la croissance. En effet, l’interruption partielle de l’activité relative au commerce international pourrait, par ricochets, impacter la consommation et l’investissement, créant un ralentissement notable de la croissance économique américaine.
Dernier paramètre qui pourrait influer la politique monétaire de la Fed : une baisse de l’emploi. Pour le moment, aucun signe ne laisse présager un tel scénario : 177 000 créations d’emplois ont été annoncées pour le mois d’avril. Si le marché de l’emploi se porte bien, il est inutile d’envisager davantage d’assouplissements monétaires.
La patience, une vertu ou une erreur de calcul ?
Face aux signaux contradictoires et aux incertitudes, la banque centrale américaine a choisi la patience. Une décision qui n’est pas du goût du président des États-Unis. Donald Trump a plaidé en faveur d’une baisse des taux rapidement pour booster une économie étouffée par des taux élevés depuis longtemps, au risque de réveiller l’inflation. Il n’a pas manqué de pointer l’inaction de Jerome Powell qu’il surnomme « Monsieur Trop Tard ».
Face aux attaques répétées de Trump, le président de la Fed, en défenseur de l’indépendance de la Réserve fédérale, maintient sa ligne : « Nous pourrons bouger vite quand ce sera approprié ».
Que retenir ?
- Le Réserve fédérale maintient ses taux directeurs au niveau de 4,25 %-4,50 %.
- La guerre commerciale lancée par Donald Trump pourrait faire pencher la balance vers une hausse ou une baisse des taux selon l’issue.
- Le président de la Fed maintient sa position attentiste en dépit des critiques publiques du président des États-Unis.
Pour aller plus loin :
- Pour approfondir, regardez la conférence de presse de Jerome Powell (en anglais)
- S’informer en matière de Marchés Financiers
- Retrouver l’article d’origine sur Les Échos