Votre banquier a-t-il les pleins pouvoirs sur vos comptes bancaires ? Peut-il s’immiscer dans votre vie privée à travers vos transactions ? Devez-vous répondre à des questions jugées intrusives ? Voici ce qu’il faut savoir pour protéger votre vie privée, mais aussi votre argent.

Votre banque peut-elle tout savoir de vos dépenses ?
Opérations réalisées, bénéficiaires enregistrés, jusqu’à quel point votre banque connaît votre vie privée ? Cela peut-il vous porter préjudice ? La réponse est oui. Votre établissement bancaire peut éplucher vos comptes et engager votre responsabilité en cas d’opérations suspectes. C’est ce qu’illustre un témoignage recueilli par le quotidien Les Echos : « J’ai fait un gros virement cette année pour profiter d’un taux boosté juste avant d’acheter ma maison, le service blanchiment et conformité de ma banque m’a appelée 4-5 fois pour me demander des comptes ».
Pourquoi la banque se mêle de ce qui se passe sur vos comptes bancaires ? Pour leur propre sécurité. Selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les établissements bancaires sont tenus d’évaluer les risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme sur les comptes hébergés dans leur établissement. « Dans ce cadre, les banques peuvent effectuer des contrôles spécifiques sur les opérations de leurs clients. Si cette surveillance des opérations génère des doutes sur le caractère licite ou non de l’opération, la banque doit procéder à un examen renforcé », explique l’ACPR.
Devez-vous répondre à toutes les questions de votre banquier ?
Au nom de la lutte contre le financement d’activités illicites, les banques ont donc le droit d’exiger de nombreuses informations de la part de leur clientèle. En clair, les institutions bancaires peuvent vous demander « tout élément permettant d’estimer vos ressources » et « tout élément permettant d’apprécier votre patrimoine », souligne la Commission de l’informatique et des libertés (CNIL). Ainsi, vous pouvez donc être amené à fournir des documents d’identité, des relevés de salaire et de primes, des justificatifs de pensions de retraite ou d’aides sociales. Votre banquier peut même demander de justifier certaines dettes ou possessions immobilières ou mobilières.
Que se passe-t-il en cas de refus ? Vous pouvez tout simplement découvrir vos comptes fermés. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a, à ce titre, rappelé le cas d’une dame détenant un compte-titres qui a choisi d’ignorer les multiples questionnaires envoyés par son établissement bancaire. En mars 2024, elle se connecte à son espace personnel en ligne et découvre avec surprise que toutes ses actions ont été vendues.
En cas de non-coopération de la part du client, l’établissement bancaire n’est pas dans l’obligation de justifier la fin des relations commerciales avec son client. Autrement dit, votre banque peut décider unilatéralement de fermer vos comptes bancaires.
Si ce plein pouvoir sur votre argent peut sembler arbitraire, il faut savoir que les contrôles effectués sont avant tout une obligation imposée aux établissements bancaires. Ces derniers sont responsables de la traçabilité des fonds déposés, mais également de l’information fournie par leurs clients (même en cas d’escroquerie).
Des limites à la fermeture abusive de comptes ?
Tenue au devoir de conseil et de vigilance, la banque représente une cible de choix pour les clients insatisfaits en cas de problème. Dans une note publiée sur le site du service public, la Direction de l’information légale et administrative rappelle qu‘« avec cette obligation, il lui incombe de contrôler l’absence d’anomalie apparente des opérations qui lui sont soumises ».
Une obligation qui est souvent perçue avec défiance par la clientèle. Selon une étude YouGov, 30 % des Français ont le sentiment de ne pas être propriétaires de leur argent tandis que 40 % d’entre eux ne font pas confiance au système bancaire.
Pour contrer cette tendance grandissante dans un écosystème ultra-financiarisé, l’Assemblée nationale a inscrit à l’ordre du jour du mois de mars l’étude d’une proposition de loi visant « la lutte contre la fermeture abusive des comptes bancaires ». Déjà approuvé par le Sénat, le texte impose aux établissements bancaires de justifier les raisons de la fermeture du compte bancaire auprès du titulaire.
Des exceptions sont toutefois envisagées dans les cas extrêmes d’atteinte à la sécurité nationale, à l’ordre public ou encore de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Une mesure qui n’est pas du goût de tous. Certains établissements jugent cette législation encore plus contraignante. D’autres la pensent inutiles : pratiquer des fermetures abusives n’a jamais été dans l’intérêt des banques.
Pour aller plus loin :
- Pour connaître les conséquences de la fermeture d’un compte, visitez le site du service public
- Retrouver l’article d’origine sur Les Echos