Expatriés : le fisc étend le droit de reprise à 10 ans en cas de fausse domiciliation fiscale

23/06/2025

Les expatriés doivent redoubler d'attention au moment de leur déclaration fiscale

La loi de finances 2025 introduit une mesure qui risque de faire trembler les Français vivant à l’étranger : le fisc dispose désormais d’un délai de reprise de 10 ans, contre 3 auparavant, pour les contribuables soupçonnés de fausse domiciliation fiscale à l’étranger.

Extension du délai de reprise de 3 à 10 ans

Presque passé inaperçu, un article de la loi de finances de 2025 a remué les cabinets d’avocats fiscalistes. Cet amendement sénatorial allonge le délai de reprise de l’administration fiscale de 7 ans. Désormais, le fisc dispose donc de 10 ans pour remettre en cause la domiciliation fiscale d’un contribuable non-résident et, donc, engager une procédure de rectification fiscale.

« Avec cette évolution, le législateur paraît viser le contribuable non-résident ayant conservé des actifs et avoirs situés en France. Il bénéficiait jusqu’alors d’une prescription de 3 ans, contrairement aux revenus des résidents français sur des comptes étrangers non déclarés qui relevaient déjà d’un délai de reprise de 10 ans », remarque Arnaud Tailfer, avocat associé du cabinet Axtead.

Auparavant, l’administration fiscale pouvait déjà exercer un droit de reprise de dix ans sur les revenus placés sur des comptes non-déclarés à l’étranger. La nouveauté introduite dans la loi de finances 2025 est qu’elle peut désormais rectifier des revenus dissimulés et placés sur des comptes bancaires en France, dès lors que la domiciliation fiscale de l’expatrié est jugée frauduleuse.

Le flou autour de la notion de « fausse domiciliation »

Du côté des professionnels du droit fiscal, cet amendement frôle l’abus de droit. Toutefois, le cadre posé par l’article L169 du livre des procédures fiscales sème le doute dans la profession, mais aussi au Sénat. En mars dernier, le sénateur Jean-Luc Ruelle a interrogé le ministre de l’Économie sur le sens donné au terme « contribuables se prévalant d’une fausse domiciliation ».

La notion de « fausse domiciliation » peut être comprise comme suit :

  • une déclaration fictive prétendant abusivement une domiciliation à l’étranger pour se soustraire aux obligations fiscales en France. L’administration fiscale remet alors en question la qualité de « non-résident » au regard des conventions fiscales et du code général des impôts.
  • la situation du contribuable ne permet pas de statuer clairement sur son lieu de résidence. Par exemple, une personne qui ne vit pas en France, mais qui possède une entreprise domiciliée en France.

La réponse du ministère des Comptes publics au sénateur, publiée le 5 juin dernier, indique que le droit de reprise de 10 ans peut être exercé dès lors que l’administration fiscale constate une manifestation claire de l’intention du contribuable d’éviter l’imposition.

Conclusion, « chaque année, il faudra apprécier s’il y a bien un élément intentionnel de se prévaloir d’une domiciliation fictive », souligne Arnaud Tailfer.

La preuve à l’épreuve du temps

Le problème survient en cas de contentieux. Comment prouver la non-intentionnalité d’une « fausse domiciliation » ? « Sur trois années, à la rigueur, vous pouvez retrouver vos e-mails et des documents, mais ceux d’il y a 10 ans… Sur des périodes aussi longues, il y a forcément de la déperdition d’informations », reconnaît Marc Pelletier, avocat associé au sein du cabinet Racine.

La confrontation entre la loi s’appliquant dans le cadre français et le droit de l’Union européenne pourrait également remettre en cause son application. « Si la réponse ministérielle inscrit bien le délai de reprise dans le cadre français, l’article L169 du livre des procédures fiscales se contente de mentionner la fausse domiciliation à l’étranger. Il n’est pas réservé aux contribuables qui auraient dû être domiciliés fiscalement en France. Ainsi, il pourrait par exemple s’appliquer à des personnes ayant dit être domiciliées en Allemagne alors qu’elles sont, en réalité, en Belgique… Une telle interprétation pourrait ouvrir la porte à une contestation sur le terrain du droit de l’Union européenne », explique Marc Pelletier. Autrement dit, il faut attendre de voir quel usage fera l’administration fiscale de ce délai de 10 ans pour connaître clairement les contours de la loi.

Ce qu’il faut retenir

  • Si l’administration fiscale estime qu’un expatrié a simulé une résidence à l’étranger pour échapper à l’impôt, elle peut remonter jusqu’à 10 ans en arrière pour le redresser.
  • La notion de fausse domiciliation reste ambiguë et apporter les preuves de l’absence d’intention frauduleuse sur une période aussi longue peu réaliste.

Mise à jour – Juillet 2025 :

L’administration fiscale a récemment précisé que l’extension du délai de reprise à dix ans ne remet pas en cause les conventions fiscales internationales. Ainsi, une personne reconnue comme résidente d’un autre État au sens d’une convention ne peut être considérée comme domiciliée fiscalement en France. En outre, la notion de « fausse domiciliation » vise uniquement les situations où le contribuable cherche intentionnellement à échapper à l’impôt en se déclarant à tort résident étranger. Ces précisions viennent lever certaines incertitudes soulevées par des parlementaires.

Pour aller plus loin :