Enregistré à 5,9 % en avril dernier, l’inflation est au cœur des préoccupations des Français. Partout, on parle de la hausse du coût de la vie et du panier moyen. L’inflation impacte aussi l’épargne des Français, en érodant le rendement réel, voire le pouvoir d’achat du capital lorsque son rendement ne suit pas. Mais, elle le fait aussi d’une autre manière, plus discrète. Explications.
Comment l’inflation grignote les avantages de nos placements
« L’inflation est une forme d’imposition qui peut être imposée sans législation », rappelait Milton Friedman. Nous y voilà. Alors que le gouvernement ne cesse de répéter qu’il n’augmentera pas les impôts, l’inflation s’en charge. C’est là que le bât blesse. Car les abattements des produits financiers tels que les assurances-vie ne sont pas indexés sur l’inflation. À titre d’exemple, le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie profite d’un abattement de 152 500 € sur sur les capitaux versés. Or, le montant de cet abattement n’a pas été revalorisé depuis 1998 ! Chaque année, le taux d’imposition des capitaux est majoré, mais les abattements, eux, restent figés. Conséquence, les épargnants (et bénéficiaires) sortent perdants. Ainsi, Philippe Baillot, membre du Cercle des fiscalistes, explique que « pour simplement stabiliser l’imposition due, cet abattement devrait être porté à 220 000 euros », soit 67 500 € supplémentaires.
Plusieurs abattements sont concernés par ce « trou dans la raquette » législative. L’imposition des capitaux décès a été portée à 31,25 %, alors que l’abattement correspondant n’a pas bougé (700 000 €). Selon Philippe Baillot, et en suivant la logique, il aurait dû être augmenté de 90 000 €. De même, l’abattement annuel pour les couples mariés sur l’assujettissement des produits de l’assurance-vie sur l’impôt sur le revenu en cas de rachat d’un contrat est toujours de 9 200 €. Il aurait dû, au titre de la stabilisation, être porté à 13 400 €. Autrement dit, les épargnants sont actuellement imposés sur une partie de leur épargne qui ne devrait pas faire partie de l’assiette imposable si ce calcul tenait compte de l’inflation. En refusant d’indexer les seuils et les barèmes d’imposition, l’État accroît donc mécaniquement ses recettes fiscales au dépens des épargnants.
Déduction ou réduction d’impôt : que choisir en période d’inflation ?
Afin d’optimiser la gestion de son patrimoine en période d’inflation, mieux vaut privilégier les déductions du revenu global plutôt que les réductions d’impôts. En effet, les plafonds d’investissements et les montants des réductions d’impôt ne sont pas revalorisés. Le plafonnement global des niches fiscales subit le même sort.
Les dispositifs de défiscalisation immobilière sont un exemple criant de la problématique inflationniste. Actuellement, en perte de vitesse, le secteur de l’immobilier neuf fait face à plusieurs problématiques directement liées à l’inflation : baisse de la demande, hausse des coûts de construction et, par conséquent, perte d’attractivité de l’avantage fiscal. Par exemple, le montant du plafond d’investissement « Malraux » a été fixé à 400 000 € en 2009 et n’a pas été revalorisé depuis cette date, alors que l’Indice du Coût de la Construction a progressé de près de 35 % sur la même période. Cette hausse s’est nécessairement répercutée sur le prix de l’immobilier au mètre carré. Dans un contexte inflationniste, la part du prix global compris dans le calcul de l’avantage fiscal est donc moindre.
Inflation, IFI et droits de succession
Le même phénomène s’applique aussi pour l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Le seuil de déclenchement de cet impôt n’a pas évolué et reste figé à 1 300 000 € depuis 2012. Or, s’il avait été indexé sur l’indice des logements neufs et anciens de l’INSEE, il aurait été de 1 685 000 € en 2022. Il ne faut pas oublier que l’inflation augmente mécaniquement la valeur des actifs réels, et notamment les biens ou droits immobiliers. De fait, des patrimoines, qui n’étaient pas imposables lors de l’adoption des seuils et des tranches, le deviennent aujourd’hui.
La fiscalité de la succession n’échappe pas non plus à cette règle. Depuis 10 ans, aucune revalorisation des abattements et tranches de barème des droits de succession n’a été envisagée. Or, selon la Direction générale du Trésor, on assiste à une forte augmentation de ces droits : +120 % depuis 2010. En cause, l’inflation qui contribue à la revalorisation des actifs. Conséquence directe, des patrimoines « non-taxables » le sont devenus en 2022. En période d’inflation, la non-indexation de certains seuils et barèmes conduit donc à une taxation plus forte du patrimoine des épargnants. Cette situation crée une véritable rupture avec le texte d’origine prévoyant ces aménagements fiscaux.
Récapitulatif des placements concernés
Placement concerné | Abattement/Seuil impacté | Seuil appliqué | Seuil corrigé de l’inflation |
Assurance-vie | Abattement sur les intérêts perçus pour un couple | 9 200 € | 13 400 € |
Assurance-vie | Montant du capital exonéré de droits pour des primes avant 70 ans | 152 500 € | 220 000 € |
Assurance-vie | Montant du capital exonéré de droits pour des primes après 70 ans | 30 500 € | 50 000 € |
Droits de succession | Abattement sur le capital transmis | 100 000 € | 115 000 € |
IFI | Seuil d’imposition | 1 300 000 € | 1 521 000 € |
Pour aller plus loin
- Retrouver l’article d’origine sur Le Cercle des fiscalistes